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Petites phrases et grandes idées
9 février 2012

Des polémiques faciles et de la manière d'y répondre

Croyez-le ou non, il est extrêmement difficile de faire un article traitant de la politique française actuelle sans tomber, de près ou de loin, sur Claude Guéant ou sur ses propos de dimanche dernier. Néanmoins, et c'est bien dommage, le ministre de l'Intérieur est loin d'être le seul à s'être distingué tristement ces derniers jours. Les polémiques ainsi déclenchées sont de trois types différents, ont connu trois médiatisations différentes et provoqué trois réponses différentes. Mais elles ont un immense point commun : qu'elles aient été délibérées ou non, aucune n'a engendré de prise de hauteur ou de consternation. Non, les polémiques politiques, quelques qu'elles soient, sont systématiquement dénoncées vigoureusement, combattues avec de grands principes et donc médiatisées à outrance.

Prenons la grosse grande méchante polémique du moment : Claude Guéant et la "civilisation dominante". A peu près tout a été dit sur cette affaire et le problème réside peut-être là. L'arme fatale de Sarkozy dégaine et tout le monde lui tombe dessus en l'accusant de chasser les voix frontistes. Certes, mais à chaque fois qu'il est dénoncé, brocardé, insulté, il se trouve dans la posture qui a si bien réussi à Jean-Marie Le Pen. Celle de celui qui n'a pas le droit de dire tout haut ce que tout le monde pense plus bas. De plus, certains pseudo-intellectuels se sont sentis chauds pour débattre du fond des propos de caniveau de Guéant au lieu de les laisser où ils étaient. Enfin, erreur fondamentale de la gauche, elle missionne un député d'outre-mer pour tabasser le ministre de l'Intérieur à l'Assemblée et provoquer un tollé. Résultat : les médias étant toujours aussi stupides dans leur manie de confondre objectivité et neutralité, ils se sentent obligés de relater l'incident comme d'un "dérapage", d'un point Godwin atteint et de renvoyer dos-à-dos les deux partis. Comme le disait un conseiller de Jean-Luc Mélenchon, "c'est l'incendiaire qui crie au feu". Guéant provoque avec des propos odieux, le PS lui répond avec une comparaison dont personne ne veut parler de la pertinence pour ne retenir que la violence, et tout ce qui ressort de cette séquence est que les deux partis majoritaires se sont engueulés. Point barre. La personne qui regarde la politique de loin mais qui vote malgré tout ne saura jamais rien de la dangerosité de Guéant et trouvera que le PS a forcément exagéré en évoquant le régime nazi.

Les socialistes ont perdu une occasion de laisser l'UMP se démener pour justifier les propos de dimanche dernier. Ils se sont abaissés à vouloir y répondre sur le fond et le résultat est stérile. Le facho chassé à l'origine, lui, se souviendra bien avoir entendu quelque chose qui lui plaisait et pourrait être tenté de voter utile. Après tout, si deux partis ont la même idéologie, autant voter pour celui qui a une chance de gouverner.

 

Tweeter, l'apocalypse en politique

 

Autre exemple, moins médiatique, moins frappant. Nadine Morano (oui, on reste avec les classiques aujourd'hui) a jugé bon de donner son avis sur la campagne de la candidate verte et sur les difficultés qu'elle rencontre. Résultat : "le problème d’image d’Eva Joly ne vient pas que de son accent, c’est aussi physique. On sent du coup qu’il n’y pas de communicant derrière". Une attaque sur le physique ? Vraiment ? Quoi qu'il en soit, une telle phrase ne mérite que le mépris et un soupir de consternation. Cécile Duflot a d'ailleurs réagi correctement en twittant (oui, Cécile Duflot ne fait pas de communiqués de presse : elle twitte) que cela suffisait et qu'elle en avait assez des attaques incessantes sur sa candidate. Pas de réponse sur le fond, pas de contre-attaque. Une manière de se victimiser et de ne pas donner de proportions trop grande à l'attaque de Morano. Fin de la polémique ? Non, et on remercie "le Parisien". Le site du quotidien relate la phrase de la ministre avec, accrochez-vous bien, le best-of des "tweets" réagissant à cette sortie. Et plus d'attaques sur le physique, sur l'intellect conféré à Morano, de jeux de mots vaseux, etc. Mais quelle belle leçon de journalisme ! Pour revenir à la polémique de base, là où Guéant a lancé un piège calculé à ses adversaires, Morano s'est plutôt offerte une gourmandise. Plaisir d'offrir en quelque sorte.

Le troisième type de polémique est le plus drôle et le moins grave. Il s'agit des énormités que les politiques peuvent proférer à l'heure des médias immédiats. Télévision, radios, twitter, difficile de rattraper une bourde quand elle est lancée en direct. Et, parfois, quand ce n'est pas une bêtise innocente, une bonne vieille polémique sort de tout cela. Ainsi, quand Nadine Morano confond Renault et Renaud, c'est drôle, innocent, sans intérêt politique. Quand Nora Berra, secrétaire d'Etat à la Santé quand même, conseille sur son blog aux "personnes vulnérables" de "rester chez eux" et inclut les SDF dans la liste, on rit un peu, puis on pleure. Quand la même, invoquant une "erreur d'interprétation", corrige la bourde, elle supprime tout simplement les sans-abris de la liste des "personnes vulnérables". Là, on rit moins. Mais on continue de pleurer. Pour le coup, les réactions sont très axées sur la personne (on se moque de la bêtise congénitale de Berra) et un peu sur la politique (comme a-t-elle pu intégrer le gouvernement ?). Et nous autres sommes en droit de nous demander pourquoi la qualité des répliques est inversement proportionnelle à la gravité de la polémique.

Au final, tout ceci démontre une chose que nous savions déjà : les politiques sont déconnectés du monde réel. C'est quand Guéant sous-entend que la civilisation occidentale battrait toutes les autres au bras de fer qu'il faut dénoncer sa stupidité et rigoler un bon coup. Et c'est quand Nora Berra ne sait pas quoi faire des SDF tant qu'ils ne restent pas dehors qu'il faut l'interpeller à l'Assemblée pour lui demander si le costard de secrétaire d'Etat serait pas un peu grand pour elle. Les électeurs se moquent d'une querelle sur les civilisations mais adorent se moquer de leurs élites. C'est notamment parce qu'ils prennent constamment les problèmes à l'envers que les politiques n'arrivent plus à attirer les masses. Et que l'abstention d'avril prochain promet d'être gargantuesque.

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Commentaires
B
bien vu , je suis toujours en attente d'une réplique à la fois pertinente et relevant le débat aux phrases nauséabondes et très bien calculées... d'un autre côté est-ce que les médias relaieraient ce genre de message ? tant qu'il semble nécessaire que les commentaires doivent être outranciers pour être diffusés... d'accord aussi sur le fait que la récolte en sera un taux d'abstention énorme..l'inquiétude persiste . l'oligarchie est bien réelle , des <br /> <br /> personnes politiques "hors sol" ,hors communication , comme dans un <br /> <br /> aquarium...militants à vos porte voix !!
Petites phrases et grandes idées
  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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