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Petites phrases et grandes idées
8 février 2012

Des orateurs, des débatteurs, des tribuns

Sans titreNos chers candidats s'approchent pas à pas du premier tour et, dans cette belle et grande aventure, leur objectif à tous est le même : convaincre. Bien sûr, les ambitions chiffrées ne sauraient être les mêmes mais, que l'on joue la gagne ou les 2%, l'essentiel est d'avoir un message audible. Pour cela, il convient que le candidat en question soit un bon orateur. Par ce terme, nous entendons ici à la fois le tribun capable d'enflammer une foule à la tribune, mais aussi le débatteur parfaitement à l'aise pour désarçonner l'adversaire et ses arguments.

Evidemment, "Petites phrases et grandes idées" ne veut pas donner l'impression d'être un juge convenable pour déterminer qui est un bon orateur et qui ne l'est pas. Loin de là. Il s'agit du meilleur juge, de l'unique, du suprême, de l'ultime maître des maîtres de la langue de Molière et Ribéry. Quel meilleur endroit, donc, pour découvrir qui sait transmettre un message sans endormir l'auditoire ? Et encore, "Petites phrases et grandes idées" a résisté à la triviale tentation de mettre des notes et d'envoyer des mots aux parents... (Ironie, naturellement, tout ce qui suit n'est qu'un point de vue qui n'engage que lui-même...).

A tout seigneur tout honneur, le premier à passer au crible est le Président sortant. Naturellement, et ce n'est un secret pour personne, Nicolas Sarkozy est un orateur de tout premier plan. S'il n'était pas si cramé par un quinquennat tout pourri, on pourrait encore le considérer comme le meilleur de toute la classe politique. Seulement voilà : le but d'un orateur étant de convaincre, Sarkozy ne peut décemment plus être jugé bon dans ce domaine. Il a trop promis, trop déçu, trop parlé. Réduit à choisir son auditoire, à trier sur le volet ses hôtes ouvriers, il demeure un débatteur redoutable, mais ses qualités à la tribune comme à la télévision n'ont pas résisté à l'épreuve du temps.

Son principal rival, le favori des sondages, François Hollande, a longtemps été sous-estimé dans ce domaine. Au Bourget, il a démontré à tous ceux qui en doutaient encore qu'à la tribune, il fait partie du gratin. Sans doute est-ce l'effet "Flanby", peut-être sa marionnettes des "Guignols" lui a nui dans ce domaine. Toujours est-il qu'Hollande est un excellent tribun, doublé d'un débatteur très correct (Alain Juppé peut en témoigner). Sa volonté d'insufler de l'énergie à chacun de ses propos a tendance à sonner faux par moments. Mais il compense largement avec une dose d'humour qu'il est le seul, parmi les "grands candidats" à utiliser régulièrement.

 

De l'excellent, du moyen et du misérable

 

Bon sang ne saurait mentir, Marine Le Pen a hérité de son père des qualités d'oratrice exceptionnelles. La Walkyrie a démontré, le week-end dernier, qu'elle était capable de tenir un auditoire dans la paume de sa main sans le moindre problème, et sans la moindre note. Au regard du programme du FN, il convient d'ailleurs de savoir transformer le plomb en or pour espérer quoi que ce soit... Cependant, dès que l'on aborde les débats, le constat est sans appel : la fille ne vaut pas son père. Elle demeure très bonne dans le domaine, mais trop d'approximations, d'hésitations et de tics de langage trahissent sa nervosité. Son bafouillage sur le chiffrage de son projet sur le plateau de "Dimanche +" démontre qu'elle a encore des progrès à faire. Mais attention, nous parlons quand même là du haut du panier.

François Bayrou est une énigme à plus d'un titre. En revanche, si l'on doit juger ses capacités d'orateurs, tout devient beaucoup plus simple. Le leader du Modem est moyen, à la tribune comme en débat. Devant une salle, il récite sa partition avec un certain aplomb mais il manque ce que certains appelleront le "supplément d'âme". L'énergie n'est pas non plus au rendez-vous et il pâtit d'une voix presque juvénile. Quant à ses compétences de débatteur, elles sont masquées par un positionnement idéologique qui permet de se hisser au-dessus de la mêlée. Mais lorsqu'il se trouve face à une tête brûlée, il perd tous ses moyens. Daniel Cohn-Bendit a eu l'amabilité de le rappeler lors de la campagne européenne de 2009.

S'il ne devait y en avoir qu'un, ce serait lui. Jean-Luc Mélenchon est probablement le meilleur tribun de la politique française depuis la retraite de Jean-Marie Le Pen, auquel il est souvent comparé pour sa morgue et son agressivité. De fait, il rassemble les foules et leur offre un show d'autant plus grandiloquent que son idéologie promet des lendemains qui chantent et la pendaison des tous les financiers. En débat, même recette : énergie et agressivité, à haute dose. Sa haine des journalistes est telle qu'elle devient contre-productive. Il s'agit d'une posture, c'est évident, mais à trop en faire, cela risque peut-être de lui coûter des voix. Ce n'est pas le cas pour l'instant, cependant, le boss du Front de gauche culminant à 9% dans les sondages.

Tombeuse de Nicolas Hulot à la primaire d'Europe Ecologie les Verts, juge d'instruction à la carrière glorieuse, militante écologiste historique, Eva Joly avait tout pour faire une bonne candidate. Mais c'était sans compter sur des qualités d'oratrice proches du néant. Pénalisée par un accent à couper au couteau (qui pose manifestement un problème auprès de son électorat potentiel, cf "le Canard enchaîné" de la semaine dernière), la franco-norvégienne n'insuffle aucune énergie à ses propos et semble tétanisée par chaque question qui lui est posée. A la tribune, elle ne vaut pas un clou, se contentant de lire ses notes dans un exercice que, de toute évidence, elle n'apprécie guère. En débat, la question est encore plus vite réglée puisqu'elle ne s'adonne jamais à la chose. Tout juste fait-elle le déplacement jusqu'aux studios d'i-Télé ou de LCI, pour y répondre avec précision et pertinence, certes, mais sans aucune volonté de convaincre autrement que sur le fond. Probablement consciente de sa faible dans ce domaine, la candidate verte a manifestement délaissé la forme.

Totalement invisible durant cette campagne, Dominique de Villepin dispose d'un ratio intentions de votes / qualité d'orateur assez étrange. Le flamboyant donneur de leçon de l'ONU, le héraut de l'Assemblée nationale fustigeant "la facilité, la lâcheté", cet acteur baroque d'une autre époque est au ras des pâquerettes dans les sondages. Et pourtant, quel tribun ! Dans un style totalement hors du temps, il harangue la foule, lui promet du sang et des larmes comme d'autres des baisses d'impôts. Décidément, cet homme n'est pas né à la bonne époque. Belle gueule, superbe voix, il n'est cependant pas un grand débatteur, mais limite la casse grâce à sa culture et son lyrisme aussi amusants et séduisants qu'affligeants.

Continuons la revue de détail des candidats n'ayant pas l'honneur de passer le pourcent dans les sondages. Nathalie Arthaud, vous savez, la dame qui a succédé à Arlette Laguillier, dispose d'un talent surprenant à l'oral. Très combative, comme son positionnement l'exige, elle apporte une pointe d'agressivité toutefois plus légère que celle de Mélenchon. Hélas, comme son illustre aînée, elle n'aura que très peu l'occasion de démontrer ses qualités en débat puisque LO est historiquement boudée par les médias. Toujours à l'extrême gauche, "Petites phrases et grandes idées" a déjà eu l'occasion de regretter le bizutage médiatique de Philippe Poutou. Totalement inexpérimenté à ce niveau, le candidat de la LCR a connu des débuts catastrophiques avant de se reprendre et, manifestement, d'enchaîner les séances de média-training. Ses dernières sorties ont été bien plus convaincantes et ses convictions deviennent bien plus contagieuses. Malheureusement pour lui, il souffrira toujours de la comparaison avec Olivier Besancenot.

Corinne Lepage est toujours candidate. Si si. Et il y a mieux : c'est une débatteuse redoutable. Très à l'aise à l'oral, elle utilise son statut marginal pour foncer tête baissée. Sous-estimée de par ses intentions de votes misérables, elle demeure pourtant très difficile à prendre en défaut et, au contraire, sait mener un débat avec habileté, aisance et détermination. Pour finir avec le centre, il convient d'évoquer Hervé Morin. Même si sa candidature vit ses derniers jours, il est toujours officiellement dans la course. Et, à l'instar de François Bayrou, il paraît totalement inintéressant d'analyser ses qualités d'orateur. Il est meilleur qu'Eva Joly, mais moins bon que Mélenchon. Il est centriste, en somme. Il dispose d'une certaine aisance orale, sans qu'il n'y ait rien de renversant. En débat, il demeure d'un classicisme agaçant, tant sa position dans les sondages devrait le pousser à prendre des risques. Mais qu'importe, le concernant, puisque la campagne est bientôt finie.

Egalement en grand danger de pénurie de parrainages, Christine Boutin est un cas très intéressant. Dénuée de qualités d'oratrice, bridée par un positionnement archaïque, elle paraît constamment en sur-régime. Comme son relooking extrême le laisse deviner, elle veut s'améliorer, séduire davantage les Français. Cependant, à l'oral, cela se voit immédiatement. On la surprend donc à feindre des expressions, des rires, des postures qui ne lui semblent pas du tout naturelles. Décidément, avec Christine Boutin, on a toujours l'impression d'avoir affaire à une femme aux ambitions totalement démesurées.

Enfin, puisqu'il n'en reste qu'un, parlons-en. Appelons ça la gourmandise de fin d'article. Le seul, l'unique Nicolas Dupont-Aignan. L'homme qui déchire des billets de 500 euros géants sur scène, le hussard qui bloque les péages, le souverainiste, le protectionniste, l'europhobe. Une telle idéologie est du pain béni pour des discours enflammés brocardant Bruxelles, les gouvernants, les grands partis, etc. Et pourtant... Dupont-Aignan n'est pas un orateur hors-pair mais, soyons justes, il est dans la moyenne haute. Si l'on s'attache uniquement à la forme, il s'en sort plutôt bien. Sa répartie est même très bonne. Mais il est indissociable des artifices qu'il utilise constamment sur scène comme en débat, avec des formules toutes faites absolument ridicules et des mises en scènes ahurissantes. Ce n'est certes pas le meilleur orateur de la classe politique, mais si l'on devait aller à un seul meeting, ce serait peut-être le sien. C'est plus drôle qu'Elie Semoun, et c'est gratuit.

Au final, on constate que le rapport entre qualités d'orateurs et intentions de vote n'est pas évident. François Bayrou est inférieur dans ce domaine à Jean-Luc Mélenchon, mais le devance dans les sondages. Idem pour Eva Joly et Dominique de Villepin. Heureusement, dans cette politique du paraître, du buzz, du choc, de la polémique, il reste donc un peu de place pour le fond et les idées, dès lors qu'il s'agit de convaincre.

 

Jeu-concours : celui ou celle qui devine qui figurent sur les photos d'illustration gagne un combat de free-fight avec Jean-Luc Mélenchon et un karaoké avec Christine Boutin.

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Commentaires
B
d'accord pour l'évaluation des orateurs , au passage j'indique que j'apprécie les débats avec Corine Lepage. pour les photos , je ne suis pas assez experte en cravate , propositions : X Bertrand, Chirac, fabius ??? et boffff
Petites phrases et grandes idées
  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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