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Petites phrases et grandes idées
6 janvier 2012

De l'intérêt contestable du capitalisme

monopoly_logoL'indignation politique, aujourd'hui, mène beaucoup d'électeurs à souhaiter une chose très simple à promettre : changer le système. Divers évènements, de la fin de la Guerre froide à la crise financière, en passant par la prise de conscience écologique du début des années 2000, poussent la population à souhaiter une révolution "soft". Même François Hollande a lancé sa campagne cette semaine sur le thème du changement. C'est dire. Et la réalité politique étant ce qu'elle est, tout changement majeur implique un bouleversement du système économique.

Au début des années 80, il est apparu clair que l'occident et son modèle capitaliste-libéral (l'économie de marché) sortirait vainqueur de la Guerre froide. Il n'est donc pas exagéré de dire que, depuis un peu plus de 30 ans, le monde évolue dans cette logique économique. Trois décennies, et qu'avons nous à l'arrivée ? Une étude récente, relatée par le 20 heures de France 2, a démontré que, depuis 1980, le salaire des patrons londoniens a bondi de 4000%. Celui des employés a, lui, stagné. D'une manière plus globale, les inégalités salariales ont atteint un seuil jamais vu depuis le début du XXe siècle. Si l'on excepte la triste tradition culturelle qui vaut aux femmes d'être payées 30% de moins que leurs homologues XY, on peut résumer le système capitaliste, sans le caricaturer, à l'image suivante : des riches plus riches, des moins riches toujours pas riches. Selon l'OCDE : "Depuis le milieu des années 1980, on a observé, en France et moyenne dans l'OCDE, un léger glissement de la part des revenus, des revenus moyens vers les plus riches, des jeunes vers les plus âgés (notamment chez les seniors de 51 à 65 ans), et l’effet de l’intervention de l’État par les prestations sociales et l’impôt qui freine véritablement les inégalités". Les prestations sociales et l'impôt freinent les inégalités ? L'interventionnisme étatique serait donc un remède ? Quelques politiques américains pourraient apprécier l'information.

Il apparaît donc incontestable que le capitalisme accroît les inégalités salariales, et que la très grande majorité des composantes politiques en est réduite à composer avec (le Parti socialiste l'a accepté et reconnu dans les années 1980). Mais cela ne conduit pas nécessairement au fatalisme. Révolutionner le système peut paraître aussi ambitieux que tentant, mais les partis de gouvernement, notamment en France, sont obligés de dégager de la marge de manoeuvre au sein de l'économie de marché. Edmund S. Phelps, prix Nobel d'économie en 2006, semble estimer qu'il reste possible d'agir sur les inégalités salariales malgré le carcan du libéralisme : "Une augmentation des inégalités avant impôts peut dans certaines situations être un phénomène d'accompagnement de l'augmentation générale des salaires, qui s'avère dans ce cas être plus forte en haut qu'en bas de l'échelle. Il est dangereux de trop simplifier et de dire que tout ce qui se passe dans l'économie de marché et qui conduit à une augmentation des inégalités est en soi quelque chose de mauvais : même dans une économie parfaitement équitable, les forces du marché peuvent tantôt avantager la partie supérieure de l'échelle des revenus, tantôt la partie inférieure". Tiens ! Un économiste, prix Nobel de surcroît, qui ne voit pas le marché comme le diable. Conviendrait-il de mesurer le propos ?

 

A quoi sert le capitalisme ?

 

Depuis maintenant trois ans et quelques, le marché est le bouc émissaire de tout et de rien. S'il faut sans doute faire un peu de tri, force est de constater que les agences de notation, les banques, les bourses et autres ont saccagé la planète sans payer le moindre petit prix. Moody's, Standards & Poors et leurs copains sont toujours en activité, faisant la pluie et le beau temps sur la politique française. Sacro-saint AAA. Les banques ont été renflouées à taux intéressant et la BCE vient même de leur lâcher plusieurs milliards à 1%. Milliards qui vont se répartir dans les ménages, les emprunts, les crédits, tous allant de 3 à 8%. Vraiment ? On se moque un peu de nous ou pas ? La crise a coûté des millions d'emplois, des milliards de dollars et personne n'a payé l'addition. Les entreprises privées retournent la Terre et c'est aux Etats de renflouer les caisses. Le système n'est pas à blâmer pour la crise que nous vivons : il est majoritairement responsable de la catastrophe économique qu'ont été les 30 dernières années. Durant cette période, les salaires des patrons du CAC 40 ont été multipliés par plus de 100 tandis que ceux des classes moyennes a augmenté de moins de 20%. Honnêtement, à quoi sert ce libéralisme économique que l'on veut nous vendre ?

L'ancien ministre conservateur britannique Michael Portillo se dit "déçu par la cupidité" des chefs d'entreprise dans son pays, là où ils gagnent en moyenne 81 fois le salaire de leurs employés. Lui qui a longtemps défendu l'économie de marché définit même aujourd'hui la démocratie comme "comme une expérience qui n’a pas fait ses preuves car elle pourrait ne pas survivre au désastre en cours de l’inégalité". Ils sont peu mais les repentis du capitalisme existent. Will Hutton, journaliste au "Guardian", affirme, lui, que "la cause fondamentale de la crise financière a été le mépris de l’équité en tant que principe directeur de la réglementation financière, de la gestion économique et de la politique sociale". Ce dernier point de vue est très intéressant car, au-delà du constat effrayant, il est paradoxalement celui qui offre le plus d'espoir. Car, au stade où le monde politico-économique en est arrivé, changer les mentalités devient plus simple que changer les systèmes. Et l'on revient donc à cette quasi-nécessité de faire évoluer les choses vers moins d'inégalités, en particulier salariales.

Si un candidat, en France ou ailleurs, parvenait à convaincre ou contraindre les tenants de l'économie à changer leur mentalité, alors le système se calmerait de lui-même. Le niveau de folie qu'il a récemment atteint ne lui offre, de toutes façons, aucune alternative. Et si, d'aventure, l'économie venait à être régulée, alors les autres problèmes pourraient être attaqués de front. A ce titre, le nobélisé Edmund S. Phelps estime que "la plus grande des inégalités, c'est l'échec des sociétés occidentales à traiter le problème de l'exclusion". Or, si le système économique empêche les exclus de se réinsérer, comme c'est le cas actuellement, par où doit-on commencer pour combattre ce problème ? CQFD.

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Commentaires
B
Il me semble avoir lu quelque part que le système capitaliste régulièrement allait à sa perte ( et la notre aussi) et que tout aussi régulièrement les états sauvent les institutions .. On commence effectivement à entendre un peu plus les "autres-économistes": il faut donc attendre que ces brillants esprits soient près du mur sur lequel ils vont s'écraser pour changer d'avis et accepter de la part des états des règles , Mais auparavant ils y a beaucoup de morts sur la route ! cela ne les trouble pas. <br /> <br /> Comme des sales gosses!!!
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  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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