D'un petit état des lieux

Encore une grosse dizaine de jours avant le premier tour et il est plus que temps de faire le point. Car si proche que soit l'échéance, la communication autour de l'élection semble tâtonner. Depuis deux jours, nous sommes entrés dans la campagne dite "officielle". En gros, les affiches sont de sorties, les professions de foi arrivent, les clips sillonnent les chaînes et les temps de paroles sont encore plus surveillés. Le premier souci vient d'ailleurs de là. Comme chaque seconde compte énormément, les candidats essayent de ne pas s'égarer. Résultat, il martèlent leurs lignes maîtresses et rien d'autre. Les derniers jours risquent de ne pas trop compter, à ce titre. Sauf que...

Sauf qu'il y a "Des paroles et des actes", cette fameuse double émission qui sera diffusée ce soir et demain sur France 2. Dernières grosses échéances médiatiques, attendues par de nombreux observateurs et très probables cartons d'audiences, ces programmes pourraient accoucher d'affrontements électriques entre candidats rivalisant pour la troisième place et d'autres tentant tant bien que mal de passer les 3%. En gros, le baroud d'honneur de huit des dix candidats qui n'auront, finalement, pas grand chose à perdre.

En dehors de ça, ces derniers jours ont montré la difficulté qu'ont les médias à trouver des sujets. La réforme du permis de conduire ? Un dossier sur le comportement des chauffeurs des candidats sur la route ? Vraiment ? On sent qu'on arrive à bout et les brainstorming doivent être pénibles. Que peut-on dire qui n'ait pas déjà été dit ? France 4 en a même profité pour lancer une nouvelle émission "Qui veut devenir Président ?" où quelques jeunes tronches d'HEC ou de Normale Sup' viennent étaler leurs propositions à un jury de perdreaux de l'année : Michèle Cotta, Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel. Prétendre apporter du sang neuf à la politique avec ces trois-là comme jurés, ce n'est plus de l'ironie, c'est le pape chez Ben Laden...

On s'ennuie...

Alors que faire de ces 10 derniers jours, mis à part saliver devant France 2 en espérant que Jean-Luc Mélenchon retourne une mandale à Dupont-Aignan ou qu'Eva Joly garde tout son temps de parole pour insulter tout le monde en norvégien ? On peut se replonger dans les programmes et y trouver des choses étranges. Mais c'est en vain. Alors les médias bouclent la boucle et semblent se diriger, en cette fin de campagne, vers le même terrain que celui sur lequel ils l'avaient commencée : la dette. Et l'on reparle des difficultés économiques de la France, totalement occultées pendant près de trois mois au profit de l'affrontement Le Pen- Mélenchon, du ramdam autour de Toulouse, des one-man-show de Sarkozy, de la chute d'Eva Joly...

Ah si, on évoque l'abstention aussi. Et on réalise que, nom de nom, elle n'intéresse pas cette campagne ! Mais la faute à qui ? Aux candidats peu enthousiasmants ? A la conjoncture franchement triste ? Au traitement médiatique ? La réponse réside peut-être un peu dans tout cela. Mais la probable forte abstention devra également beaucoup à l'exercice même de la politique qui, mandats après mandats, dégoûte toujours un peu plus les Français. En tous cas, ceux qui considèrent toujours que l'administration de la cité est une chose sérieuse, noble et qui doit être exercée avec honneur et respect. Le seul fait que cette phrase sonne faux est assez symptomatique, non ?

Enfin bref, encore dix jours de Cheminade, de Poutou et de Dupont-Aignan. Les seuls suspens concernent la première place (Nicolas Sarkozy a absolument besoin d'arriver en tête au soir du 22 avril), la troisième place (la dynamique indique Mélenchon, on verra...) et celui ou celle qui aura l'insigne honneur d'arriver en avant-dernière position (le bonnet d'âne étant d'ores et déjà réservé par ce bon Jacques Cheminade). "Petites phrases et grandes idées" met une petite pièce sur Nathalie Arthaud. Voyez où on en est réduits ? Certes, cette campagne n'était pas aussi ennuyeuse que beaucoup veulent le croire. Mais jamais, jamais on aurait cru que la séquence la plus ennuyeuse prendrait place au début de la campagne "officielle". Attendre "Des paroles et des actes" comme le messie, c'est d'une tristesse...