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Petites phrases et grandes idées
13 avril 2012

Des paroles et des notes

(Attention, article très long)

1089713_desproalesVous en rêviez, France 2 a essayé. En fait de méga-giga-grand débat à 10 juste avant le premier tour, l'émission "Des paroles et des actes" recevait, hier et avant-hier, les candidats tour à tour, chacun disposant d'un gros quart d'heure pour répondre aux questions des journalistes David Pujadas, Fabien Namias, François Lenglet et Nathalie Saint-Cricq. Pas d'interactions, donc, entre les candidats, mais une belle mise en scène avec un pauvre reporter perdu en coulisses montrant les invités se préparant dans leurs loges et nous informant que Valérie Trierweiller est présente. Grotesque et dispensable.

Ces deux émissions ont donc permis aux aspirants Présidents de parler une dernière fois devant quelques millions de téléspectateurs. Ce qui donne l'occasion à "Petites phrases et grandes idées" de revenir sur chacune de ces prestations en attribuant une note à chaque protagoniste. Après tout, il y avait quelque chose comme un parfum d'examen de passage dans l'air. Précision utile : les notes se basent sur le potentiel du candidat et non sur sa prestation purement et simplement. Il est bien évident qu'Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon ne partent pas sur un pied d'égalité en terme de qualités oratoires. Ainsi, nous jugerons chacun en fonction de ses propres qualités, plutôt que de simplement comparer X avec Y.

Nicolas Dupont-Aignan : Le premier à passer fut donc le héros de "Debout la République". S'il y a des avantages et des désavantages à inaugurer l'émission, force est de constater que Dupont-Aignan a laissé une impression mitigé. L'éternel problème avec lui réside dans son refus d'accepter que sa candidature est vouée à plafonner autour de 2%. Du coup, il tombe parfois dans le ridicule ("Nicolas Sarkozy a peur de m'affronter en débat") et dans la grandiloquence, notamment à la fin de son intervention. Cela dit, son entrée en matière était excellente, bien préparée et il dispose de qualités d'orateur plutôt bonnes. François Lenglet l'a beaucoup bougé sur l'économie, mais Super-Dupont a su répondre avec toute la bonne foi qui caractérise un candidat. Un peu démago sur l'école, très critique à l'égard des journalistes ("il n'y a pas plusieurs catégories de candidats") et franchement violents envers ses concurrents ("charlatans"), il nous a tout de même inventé un mot : "politicaillerie". Au final, une impression mitigée, comme toute sa campagne. 10/20

Eva Joly : La candidat écologiste arrive ensuite, toutes lunettes vertes dehors. L'exercice de la démonstration orale lui paraît toujours aussi pénible. Lorsqu'il s'agit de bouger les foules, de présenter un projet, elle bafouille, hésite et ne parvient pas à trouver un souffle. Ainsi, son entrée en matière a été extrêmement laborieuse, bien que marquée par une phrase amusante : "je suis coincée entre la gauche molle et la gauche folle". Et puis, David Pujadas l'amène sur l'écologie. D'une candidate hésitante et pathétique, elle passe au rang d'experte acérée, précise et même puncheuse. Fabien Namias lui parle justice, là encore elle montre qu'elle maîtrise complètement le domaine. Ce n'est plus du tout la même personne lorsqu'elle aborde le fond et la différence est colossale. Elle insiste sur sa personnalité dure, forgée au fil de sa carrière et assume ses accusations judiciaires envers Nicolas Sarkozy. Définitivement bien plus à l'aise sur les grandes idées que sur les petites phrases. La moins bonne oratrice de la campagne a livré une de ses meilleures prestations au bon moment. 14/20

François Hollande : Le grand favori arrive, tranquillement, cheveux gominé et costard sombre. Mis à part une curieuse entrée en matière de Pujadas sur la présumée absence de "réformes structurelles" dans le programme du candidat socialiste, force est de constater que tout ce qui a été dit l'avait déjà été au préalable. Nathalie Saint-Cricq lâchera même, dépitée : "Nicolas Sarkozy lâche une proposition tous les jours. De votre côté, on peut dire que tout a été dit ? Pas de surprises ?" Directement candidate au titre de question la plus bête de la campagne. Voilà, un coup sur Françoise Hardy, une esquisse sur les alliances, un point sur la situation internationale et Hollande peut rentrer chez lui. Comme d'habitude, il a maîtrisé la situation. François Lenglet n'a rien dit ou presque, les journalistes ont été tendres. Trop facile. 12/20

Marine Le Pen : Le pauvre journaliste en coulisse nous annonce une Le Pen qui veut "secouer l'émission". On a pas été déçu. Fût un temps où l'héritière voulait rendre son parti respectable. Ce temps-là est révolu. La Walkyrie a été si violente, si brutale, si cynique qu'elle aurait aussi bien pu envoyer son père. A Fabien Namias : "si vous voulez tant faire la guerre en Syrie, prenez donc votre paquetage et allez-y". A Pujadas : "si j'avais été au pouvoir il y a 25 ans, Mohamed Merah n'aurait pas été français". Directement candidate au titre de phrase la plus démagogique de la campagne. Elle réaffirme ses positions sur l'avortement, elle balaye le pass-contraception d'un revers de main et durcit méchamment le ton sur l'immigration. Son discours peut faire mouche sur les personnes suivant la campagne en surface. Mais si on réfléchit 5 minutes, les propositions sont vides et le discours nauséabond. Ca arrache le coeur de le dire, mais Marine Le Pen est une excellente oratrice, qualité nécessaire pour porter ces idées sans être mise en miette. Ce que seul François Lenglet a réussi à faire, sur l'économie. 13/20

Philippe Poutou : Il est 22 heures 40 quand le candidat du NPA lance le numéro de clôture. Une séquence totalement improbable qui aura mis face à face un syndicaliste ouvrier et des journalistes parisiens. Et les seconds n'auront pas une seule seconde réussi à comprendre le second. Ils sont tout simplement d'une autre planète. Poutou voit ses collègues travailler dans des conditions difficiles, il voit les profit du CAC 40 et se dit qu'il y a un problème. Ses solutions viennent du terrain, ses idées sont inspirées du monde syndical dont il est issu. Nathalie Saint-Cricq le regarde avec de grands yeux lorsqu'il dit qu'il ne veut pas être Président et qu'il n'a pas, lui, rendez-vous avec les Français. On la surprend même faire le geste de la folie, main agitée sur le côté du crâne, lorsqu'elle évoque la proposition du NPA d'une école sans note. Impensable pour une journaliste qui a dû passer par nombre de grandes écoles et d'examens. François Lenglet essaye de le massacrer sur l'économie, mais Poutou ne se démonte pas une seule seconde. Il assume son positionnement en marge et étale tous ses progrès rhétoriques. Sa prestation valait surtout pour les visages hallucinés des quatre journalistes face à quelqu'un qui sort régulièrement de Paris. Au final, ce sont bien eux qui sortent ridicules de cette interview, face à un Poutou particulièrement détendu et souriant. 14/20

 


 

François Bayrou : C'est le leader du Modem qui a ouvert la voie jeudi soir. Pujadas, en forme, lui tombe dessus d'entrée sur le contre-pied qu'il a pris lors de l'affaire de Toulouse. Puis François Lenglet part sur le "made in France". Pas de souci, Bayrou dispose de grandes facilités dans le domaine économique. Ces derniers temps, on avait senti Bayrou un peu faiblard à l'oral, le voilà requinqué. Il domine le passage économique et joue sur la rigueur. Encore une fois, il s'attaque à la dette. Pour une fois que son domaine de prédilection est en vogue. Un journaliste lui pointe sa contradiction sur les homosexuels : non au mariage, oui à l'adoption. Bayrou s'explique péniblement. En fin d'intervention, un peu de temps de parole perdu à parler d'alliances de second tour. Mais personne ne joue ce jeu-là à 10 jours du vote. Celle qui sera la grande héroïne de la soirée, Nathalie Saint-Cricq, casse le vote blanc, que Bayrou veut reconnaître. "N'est-ce pas un peu fuir ses responsabilités ?". Pathétique. Au final, Bayrou aura été assez quelconque et n'a pas su profiter de cette occasion pour relancer sa campagne. 11/20

Jacques Cheminade : Ah on l'attendait avec beaucoup d'impatience. Forcément, son interview commence avec ses projets spatiaux et cette merveilleuse Nathalie Saint-Cricq illustre ses questions avec la couverture de l'album de Tintin "Objectif Lune", tout en parlant de lui comme professeur Tournesol. Pendant 15 minutes, ce bon Jacques Cheminade va prendre un passage de lessiveuse médiatique. Pujadas le regarde en souriant et se moque ouvertement de lui. Seul François Lenglet semble le prendre au sérieux sur l'économie. On l'accuse d'ésoterisme. Cheminade répond qu'il crée de l'emploi qualifié. Il veut interdire les jeux vidéos violents, Saint-Cricq se fout à moitié de sa lui : "Et Internet, vous allez couper tout ?" Mais qu'elle est irritante.  On s'attarde sur les originalités de son programme mais lui essaye de revenir à l'essentiel à chaque fois, à l'échelle générale. A peine effleure-t-il sa priorité, à savoir r"duire la dette, que Fabien Namias lui reproche de ne rien comprendre à une phrase. Saint-Cricq lui demande même pourquoi il n'a pas fait autre chose, comme chercheur. Un petit tournant lorsque l'on aborde l'économie. Il faut dire que le monsieur est un spécialiste. Et, de fait, il est un des plus clairs et percutants sur l'effacement de la dette, avec un positionnement offensif. Evidemment, les dernier tiers tourne autour de Lyndon LaRouche, dont il reconnaît l'influence, mais sur le plan de l'analyse financière. Mais il se laisse piéger et rentre dans la théorie du complot. Enfin, on revient sur la photo d'Obama avec la moustache d'Hitler. Le point Godwin de la campagne de Cheminade. "L'image me choque, parce qu'il y a eu la Shoah. Mais si je la regarde avec les yeux de 1934, elle ne me choque pas", dit-il. Au final, dommage qu'il n'y ait pas eu plus de fond intéressant, il semble avoir une vraie vision économique intéressante. Même certains aspects de sa personnalité sont vraiment étranges. 12/20

Nicolas Sarkozy : Et voilà le Président. Surprise, Pujadas attaque en l'accusant de souffler sur les braises en promettant la Grèce à ceux qui veulent la gauche. Clairement, Sarkozy fait campagne contre Hollande en jouant le père la rigueur. Il flatte son expérience de gestion de la crise. Economiquement, François Lenglet l'attaque en se servant du Financial Times. Sans trop se forcer, il impose quand même son autorité aux journalistes et joue à son rythme. Coupable d'une transition un peu grossière sur le thème des frontières, il esquive la question économique sur un programme de relance européen. D'ailleurs, l'esquive sera le maître mot de son intervention. On évoque les affaires et les propos d'Eva Joly la veille : "elle viole tous les principes du droit. (...) Je n'ai que le mépris le plus cinglant face aux ragots et la volonté de détruire". Pas de réponse, donc. Sur la laïcité, il impose encore son tempo. En gros, il vient et dit ce qu'il veut. Trop à l'aise dans ce domaine pour être réellement mis en difficulté. En 2007, il avait réussi à se faire passer pour un candidat de l'opposition. Là, c'est le sortant et il arrive à être crédible en adoptant une posture de challenger et de candidat de la majorité silencieuse. Trop fort. Le roi de l'esquive n'a pas répondu à une seule question qui lui déplaisait. Merci, bonsoir. 14/20

Nathalie Arthaud : La camarade Arthaud a la lourde charge de succéder à Sarkozy. Pour un changement, c'est un changement. Pujadas, toujours fringant en entrée d'interview, la renvoie directement à son statut de communiste assumée et sur l'hypothèse de la fin de l'économie de marché. La candidate se réclame d'un idéal. Traduction : son but est donc de faire pencher la balance à gauche, sans pour autant jouer la gagne. Attaque sur le CAC 40, critique des patrons. Elle récite ses gammes. Sur l'économie, François Lenglet pose une question d'économie théorique, Arthaud lui répond par des exemples de terrain. Le spectre de Poutou, la veille, réapparaît. Et avec quelle combativité ! Cette chère Nathalie Saint-Cricq la joue arrogante et moqueuse à nouveau après avoir brillé par son silence face à Sarkozy. Grosse séquence lorsque la candidate promet aux patrons qui violent la loi sur l'égalité salariale des peines de prison. Cela provoque des réactions moqueuse et indignées sur le plateau. Mais c'est la loi, et elle le prouve document à l'appui ! Très fort ! Jouant sur sa dynamique, elle s'emporte et accuse même les journalistes d'être à la botte des grands patrons. Le passage lui est tellement favorable que, lorsqu'elle attaque la TVA, impôt injuste selon elle, le pourtant très peu communiste François Lenglet lui concède qu'elle a raison. Quel évènement ! On sent qu'elle conçoit des efforts pour contenir son agressivité. Qu'elle s'humanise. Ses propositions sont concrètes. Plutôt extrêmes, mais concrètes. Notamment sur les retraites et l'interdiction des licenciements. Cependant, elle s'emporte quand même assez souvent. Signe de sincérité ? En tous cas, grande prestation de la candidate de LO, qui a su allier combativité et souffle dynamique. 15/20

Jean-Luc Mélenchon : France 2 se fait plaisir avec l'homme du moment pour finir. Il commence en roue libre, extrêmement à l'aise. Il s'impose. Le plateau lui appartient. C'est bien lui le plus fort à ce jeu-là. Ca saute aux yeux en trois secondes. Pour enfoncer le clou, on diffuse un extrait culte d'un meeting où il insulte tout le monde : "Vous êtes représentés par des branquignols. (...) Il faut foutre une tannée à Sarkozy". Il égrène ses propositions (Smic à 1700 euros, sortie de l'OTAN, salaire maximum dans les entreprises...) et prône qu'il aide à augmenter le total de la gauche. En gros, lorsqu'il monte, Hollande ne baisse pas. Sur le plateau, Mélenchon est comme chez lui. Il se paye la tête de Lenglet, puis enchaîne sur un discours justifiant la régularisation des travailleurs sans-papiers. Son intervention est un subtil dosage de formules extraordinaires et de combativité révolutionnaires. Entre deux blagues, il jure applaudir lorsqu'un candidat lui prend une idée. Que ce n'est pas pour lui-même qu'il est candidat. Clairement, il tente de désamorcer le culte de la personnalité qui l'entoure. Sur la fin, il se livre à une attaque virulente contre la BCE et s'accroche à plusieurs reprises avec Lenglet. Fait étonnant, ce dernier perd légèrement son flegme. En guise de conclusion, il justifie sa volonté de taxer à 100% les revenus supérieurs à 360000 euros par an. "Je considère que 30000 euros par mois, pour vivre, c'est assez. Non ? Je suis contre l'accumulation sans limite des richesses". On a beau savoir qu'il est très à l'aise dans l'exercice, il continue de bluffer. Le meilleur orateur de la campagne, aidé par un positionnement qui lui permet de sa lâcher à outrance. 16/20

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Commentaires
N
Pourquoi François Lenglet est il si artificiel et ridicule quand il pose les questions ?<br /> <br /> ce n'est pas par hasard.<br /> <br /> Ses mimiques , se passer la langue sur les lèvres , le pouce qui caresse l'index tout celà contribue a déséquilibrer son adversaire<br /> <br /> a détruire son image , a relativiser la réponse de François Hollande par exemple.<br /> <br /> Une autre technique consiste pour ces journaliste chiens de garde a ne pas laisser developper la réponse en interrompant en disant par exemple " justement on va en parler plus tard", c'est une technique qui perturbe le message; et le rend inaudible.<br /> <br /> Une autre technique est de passer a une image en direct qui perturbe la réponse de Hollande en montrant par exemple Sarkozy arrivant aux studios .
B
Merci pour le résumé, moi qui n'ai pas vu les émissions. Il en ressort notamment que les journalistes traitent bien différemment les candidats selon qu'ils fassent partie du milieu politique/média parisien... On le voit depuis le début de la campagne et ce serait pas mal que les journalistes se rendent compte de leurs responsabilités.
Petites phrases et grandes idées
  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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