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Petites phrases et grandes idées
23 mars 2012

De la course au scoop, donc de la précipitation, donc des conneries

Sans titreC'est une des marottes de "Petites phrases et grandes idées" : l'argent tue le journalisme. C'est évident mais il faut quand même le rappeler. Chaque média (écrit, radio, internet ou télé) essaye de prendre l'autre de vitesse pour avoir le privilège d'un plus grand nombre de clients. Sur ce point, la presse écrite part évidemment avec un large handicap, elle qui compense sa lenteur de parution par un positionnement sur Internet. Et, ô surprise, les ventes de journaux s'écroulent depuis une bonne dizaine d'années. De ce point de vue, l'émergence des gratuits n'arrange pas les choses.

Mais revenons à nos moutons. Aujourd'hui, un bon média n'est pas celui qui va donner une bonne information ou qui va analyser le mieux une donnée. Un bon média est celui qui sort une information le premier et, ainsi, drainera le plus d'attention. Le tout apportant un maximum d'argent. C'est simple et triste à la fois. On ne compte plus les erreurs mises sur le compte d'une course au scoop devenue le quotidien des rédactions : la vraie-fausse mort de Pascal Sevran (Elkabbach), le retrait de la vie politique d'Alain Juppé (Pujadas) ou encore, en 2008, la mort d'un jeune garçon dans la Drôme (Florence Schaal, journaliste licenciée suite à l'affaire). Et plus l'histoire est importante, plus la course va être effrénée et plus les bêtises vont monter.

Faisons une pause dans ce raisonnement puisque "Petites phrases et grandes idées" avait promis de ne plus évoquer le fait divers de Toulouse. Or, il est tellement représentatif de la thèse de cet article que cette promesse ne sera pas tenue. Plates excuses, donc, mais les 30 heures de siège devant l'appartement du présumé tueur ont été le théâtre de beaucoup d'âneries et tout à fait symboliques des travers du journalisme moderne.

 

Démagogie, jusqu'à l'illégalité

 

Le tout commence le jour même de la tuerie avec l'erreur numéro 1, commise par l'ensemble du microcosme politico-médiatique : la "sentimentalisation" de l'info. Au même titre que la justice, le journalisme ne doit jamais jouer avec les sentiments. L'information est brute, elle doit être analysée calmement, sans céder à la tentation démago de faire pleurer dans les chaumière. Or, voilà bien longtemps que les médias le font délibérément, parce que ça brasse de l'audience, parce que ça vend du papier, parce que ça fait parler. Ici, sans que l'on ne sache vraiment pourquoi (ou que l'on n'ose pas dire que c'est parce que les victimes sont juives), ce fait divers là a envahi chaque poste de télévision sur un ton et avec un vocabulaire dégoulinant de fausse indignation et larmoyant à souhait. Même l'édito du "Canard enchaîné" a sombré dans le mélo...

Et puis il y a eu ce festival, ce feu d'artifices d'infos prises pour argent comptant sans la moindre petite vérification, les 30 heures et plus de siège de l'appartement de 3, 4 ou 5 étages selon les radios... Toute la journée de mercredi a été constellée de petites perles. Le nom du suspect, déjà, qui a été dit et répété sur toutes les antennes alors que, tant qu'il n'est pas jugé, un accusé doit rester anonyme. Sinon, ça s'appelle du "recel de viol de secret de l'instruction". Et tous les médias de France s'en sont rendus coupable. Idem pour la présomption d'innocence, oubliée une fois sur deux lorsque le nom du désormais défunt assiégé était prononcé. Par ailleurs, on plaint tous les homonymes qui ne peuvent désormais plus sortir de chez eux. Et pour peu qu'ils vivent à Toulouse, alors là...

En parlant d'homonyme, il y a eu ce passage ultra-comique du pseudo emprisonnement de "l'ennemi public n°1" à Kandahar au Pakistan. Durant toute la matinée, France Info, Europe 1 ou encore i-Télé nous ont vendu que le présumé coupable avait été emprisonné dans la ville pakistannaise pour un attentat terroriste. Renseignement pris, il s'agissait en fait d'un homonyme. Ca a été précisé rapidement et on a vite oublié tout ça. Par contre, le fait qu'il ait tenté de s'inscrire dans l'armée, les interviewes inutiles de Dalil Boubakeur pour dire que tous les musulmans ne sont pas des terroristes, les communiqués du service de presse de l'armée pour dire qu'il avaient bien recalé le tueur présumé pour des conneries de jeunesse, les bavardages de l'homme le plus détesté de France sur le fait qu'il voulait tuer encore des policiers et des militaires... D'ailleurs, il ne vous a pas semblé bizarre, à vous, qu'un type dans la situation de l'intéressé, qui a accueilli le premier raid à coups de rafales de flingue, se mette à bavarder comme une pie dès qu'un négociateur du Raid lui adresse la parole ? Le type a littéralement dicté sa biographie et ses objectifs à la police ! C'est quoi l'intérêt de la manoeuvre ? Et surtout, puisque les médias avaient choisi de croire en la culpabilité du type, pourquoi croire chacune de ses paroles ?  Mais parce que ça meuble, coco, ça tient l'auditeur en haleine. Rien que d'apprendre qu'il a passé trois mois en Afghanistan, ça permet d'interviewer deux experts du sujet, de rappeler l'engagement de la France dans le conflit, etc.

Voilà, aujourd'hui l'affaire est finie, le présumé quoi-que-ce-soit est mort, la classe politique a joué l'union nationale mais la première petite étincelle (lancée par Valérie Rosso-Debord) a relancé les hostilités. Une manière de montrer, pour ceux qui en doutait, que tout ceci n'était que postures et récupération. La course à celui qui perdra le moins de points dans l'histoire est lancée. Mais tout ceci est derrière tout et, franchement, du fond du coeur, c'est tant mieux...

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  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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