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Petites phrases et grandes idées
20 mars 2012

D'un bon vieux cas d'école

Histoire d'être très clairs, voici ce que l'on sait, à l'heure où ces lignes sont écrites, du fait divers de Toulouse : Lundi, vers 8 heures du matin, un homme sur un scooter ou une moto, blanc ou noir (les témoignages divergent) a ouvert le feu à bout portant devant un collège juif de la ville rose, tuant un adulte et trois enfants avant de prendre la fuite. Cinq autres personnes ont été blessées et ne sont pas toutes sorties d'affaire. La rue a été bloquée suite à cette fusillade. A priori, le tireur ne visait personne en particulier. Enfin, il a été établi en fin de journée que l'arme du crime serait la même que celles des meurtres de militaires à Montauban et Toulouse.

Voici les seules informations que la justice a mis à disposition du grand public. Le reste oscille entre déductions logiques et plans sur la comète. Certaines sources ont affirmé, bien avant que ce soit confirmé, que le mode opératoire (à savoir le shooting suivi d'un départ en scooter) ainsi que le calibre de l'arme étaient les mêmes que pour les meurtres de militaires à Toulouse et Montauban. Conclusions on ne peut plus hâtives en milieu de journée qui, même si elles ont été verifiées par la suite, ne les rendaient pas moins présomptueuses.

Intéressons-nous maintenant à ce qui nous concerne, à savoir l'aspect politique. Nicolas Sarkozy et Claude Guéant se sont rendus sur place. Pour le coup, c'est assez classique, le Président et le ministre de l'Intérieur se rendent toujours sur les lieux des drames de ce type. S'ils ne le faisaient pas, on le leur reprocherait. Coup double pour Sarkozy, qui fait sa besogne de récupération politique en tant que candidat au passage. Car oui, la récupération est bien lancée. Benoît Hamon, porte-parole du PS, a lancé un appel à "suspendre la campagne pour honorer les victimes". François Hollande s'est d'ailleurs lui aussi rendu sur place. Tous les autres candidats sans exception ont fait part de leur "horreur" et de leur "indignation" devant ce crime "horrible" et "abject". Notre bon Président a même programmé une minute de silence nationale pour ce matin 11 heures. Oui oui, comme pour la mort de Mitterrand et le 11-septembre. Enfin, juste dans les écoles, la minute de silence. Il faut que la ficelle électoraliste soit grosse, bien grosse. On rappelle qu'il y a eu quatre morts pour l'instant.

 

Poids et mesures

 

Alors oui, c'est cynique, mais si on s'en tient à ce strict aspect des choses, les réactions des politiques sont complètement disproportionnées par rapport à la gravité de l'évènement. Naturellement, c'est regrettable et ce genre de drame est toujours triste. Mais là, on assiste à une escalade des mots, avec concours d'adjectifs grandiloquents. C'est la campagne et l'ombre de Papy Voise vient immédiatement à l'esprit. Depuis une dizaine d'années, les faits divers sont devenus une telle source de revenus pour les médias et les politiques que la moindre blessure donne lieu à un communiqué de chaque parti et à une édition spéciale. Le ballet d'i-Télé, Canal +, BFM et consors ce lundi autour du collège de Toulouse était aussi lamentable que grotesque. Volez volez, petites mouches, à qui l'on donne la parole toutes les deux minutes pour répéter que vous ne savez rien de plus. TF1 devait programmer une émission spéciale hier soir. Rue89 publie une tribune/article dont l'auteur assure avoir pensé à la tuerie d'Oslo. 77 morts, pour mémoire. Et puis comment passer sous silence la une absolument dégoulinante de démagogie et gerbante que "Libération" préparait pour ce matin. Lamentable, indigne et populiste. Mobilisation totale autour de cet évènement pour une seule et simple raison : le bon peuple est facilement manipulable autour de ce genre d'infos. Où médias et politiques se retrouvent. Reste une interrogation : pourquoi ce fait divers en particulier mobilise plus les énergies que d'autres ?

Pour rappel, vendredi, un homme a saccagé une mosquée à Arras à coups de batte de base-ball, tuant une personne au passage. Pas un déplacement de politique, pas une mention dans les meetings, pas de demande suspension de la campagne. Ce week-end, trois gamines se sont faites renversées, et à plusieurs reprises, sur l'autoroute A7. Là non plus, pas d'indignation générale ni de minute de silence. Pourtant, elles était trois, et mineures. Là, ils sont quatre, dont trois enfants. On n'est pas loin, finalement...

Ah oui, mais l'attaque était antisémite. Si si, c'est "indéniable", d'après Hamon. D'après Sarkozy aussi, a priori, puisqu'il a jugé bon d'emmener Richard Prasquier, président du CRIF dans ses bagages. Outre que l'aspect antisémite ne soit pas prouvé et qu'il ne s'agisse que d'une présomption pour l'instant (après tout, le tireur peut très bien avoir choisi un collège au hasard, c'est une possibilité), il devient grossier que les politiques courent après une récupération du vote juif en se basant sur l'indignation communautariste que ce drame ne manque pas de causer. Quant aux médias, ils semblent toujours aussi mal à l'aise avec les agressions à caractère antisémite. Qu'on en juge par la réaction d'Ali Baddou, maître de cérémonie de "la nouvelle édition", le midi sur Canal, à un tweet relayé par un de ses chroniqueurs. Dans ce message, un internaute lambda s'indignait de la récupération politique du fait divers par Sarkozy et Guéant. Et Ali Baddou de juger ce tweet "parfaitement stupide". Ah ? Bien, "petites phrases et grandes idées" assume sa parfaite stupidité alors. Et rappelle que la sécurité dans les écoles juives est renforcée depuis une mesure de 2005. Au nom de quoi ? On ne le sait.

Oui, cette fusillade ne ferait pas la moitié du bruit qu'elle fait si les victimes n'étaient pas juives, ni si on n'était pas en pleine campagne présidentielle. Les candidats, dans leurs messages, sous-entendent qu'une élection n'est rien face à ce genre d'évènements et que l'indignation doit remplacer les débats et les idées. François Hollande a annulé son passage au Petit Journal sur Canal + ce soir. Ca fera sans doute plaisir aux familles des victimes. Marine Le Pen devait débattre avec Eva Joly. C'est remis à plus tard. Et pourquoi donc ? On est en deuil national pour quatre morts ? "Petites phrases et grandes idées", au risque très probable de s'attirer les foudres de la Terre entière, rappelle que des drames de ce type arrivent tous les mois. Or, la possibilité de débattre de l'avenir de la nation et du projet de gestion que l'on a pour elle n'arrive que tous les cinq ans. Cette période a déjà été suffisamment pauvre jusqu'ici pour qu'on ne perde pas plus de temps. Non, un fait divers, tout sanglant soit-il, n'est pas plus important qu'un débat présidentiel. Car de celui-ci va dépendre bien plus de vies encore.

Mais ce n'est que l'avis d'un petit blog cynique et qui s'attend à être taxé d'antisémitisme, d'insensibilité voire des deux. Que l'on continue de débattre du halal et à perdre deux jours à s'épancher sur le sort, certes tragique, de quatre personnes ! Après tout, la sortie de crise, le mal-être des classes moyennes, le sort de la Syrie, le trou de la Sécu sont autant de sujets secondaires.

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Commentaires
B
ce matin on en sait un peu plus , mais je suis d'accord pour juger cynique l'utilisation médiatique de ce fait , la peur fait vendre!!!, les faits divers ne devraient pas être ainsi utilisés . le fric: à quand les pages pub intercalées dans les "directs" vides d'information qui ne servent qu'à maintenir une tension , sinon la faire monter.
A
Je suis entièrement d'accord avec Vincent : c'est un fait divers, tragique et horrible, mais "que" un fait divers quand même. Je n'avais pas cours ce matin, j'ai échappé à la minute de silence. Quand j'ai dit ça en salle des profs et que j'ai "plaisanté" (c'est un rire sombre) avec l'assistante Etats-Unienne comme quoi aux USA s'ils en faisaient autant à chaque fusillade on ne les entendrait plus ... on me l'a reproché.<br /> <br /> C'est tragique, c'est horrible, mais c'est un fait divers.
B
Et comme j'ai envie d'en rajouter une couche : ce qu'il s'est passé à Toulouse et Montauban m'indiffère. L'emballement médiatique me gonfle et est contre-productif puisqu'il ne me tire pas de larmes, au contraire. La Une de Libération du jour est d'une démagogie ahurissante (on dirait feu France Soir). <br /> <br /> Et comme je le disais sur un réseau social bien connu : pour pouvoir réfléchir au rôle des médias et aux postures des politiques sur une affaire de ce genre, il faut réussir à mettre son émotion de côté. Ce qui n'est certes pas évident pour tout le monde, ça tient du ressenti de chacun.
B
L'éternel problème avec les faits divers, c'est le côté émotionnel qui prend le pas et on oublie de prendre du recul. On a toujours l'impression qu'on va se faire traiter de salaud sans coeur si on critique la façon dont sont traités les faits divers. Je pense qu'il faut savoir faire les deux : accepter l'émotion dans un premier (et court) temps, puis prendre de la hauteur (ce que je dis est valable pour les médias et les politiques évidemment).
V
Et je cite le fameux commentaire "Ce fait divers se distingue par l'absence de fatalité face à la mort, par l'irresponsabilité d'un humain dont l'acte est absolument incompréhensible." Et en quoi ce fait divers se distingue-t-il d'un autre ? A commencer par celui de la mosquée d'Arras ?
Petites phrases et grandes idées
  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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