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Petites phrases et grandes idées
13 mars 2012

De vivre ça de l'intérieur

Photo-0034Jeudi 8 mars 2012, journée internationale des droits des femmes. A Reims, près de 3000 personnes ont répondu à l'invitation de François Hollande. "Petites phrases et grandes idées" aussi. Par curiosité. Le rendez-vous est fixé à 18 heures, dans le complexe René-Tys, du nom d'un ancien député communiste. Apparemment, François Mitterrand y avait tenu un meeting en 1981. Certains se vantent d'avoir été présents... Premier constat : toutes les catégories d'âge sont représentées au sein d'une foule qui affiche le sourire confiant des grands favoris. Difficile à croire, mais des adolescent dont on peine à croire qu'ils aient déjà le droit de vote sont venus en bandes. Les stands de merchandising proposent t-shirts et drapeaux de l'idole du moment. Il y a comme un air de concert de rock.

Entrée dans la salle. Le meeting ne doit commencer qu'à 18 heures 30, mais il reste tout de même de la place. Beaucoup de place. Trop de place. A droite de la scène, une tribune est réservée aux grandes figures féminines de la gauche. Ce sera le thème du jour, 8-mars oblige. Les minutes défilent, les sympathisants affluent, mais la salle ne sera finalement pas remplie. Sans impatience, chacun attend le héros du socialisme. Le changement, c'est maintenant, mais il est en retard. Quelques acclamations naissent par-là. Fausse alerte. Il y en aura trois ou quatre autres.

Finalement, un clip est diffusé sur l'écran géant. A l'étonnement général, c'est Coluche qui apparaît. Interprétant son sketch "misère". Après quelques secondes, le célèbre humoriste proclame, comme une blague à l'époque : "vous allez voir quand la gauche reviendra au pouvoir, en 2012". Le clip s'arrête, la foule hurle à pleins poumons. Sur la scène, apparaît Aurélie Filippetti. La députée sera la "Madame Loyal" de la soirée et, à tout seigneur tout honneur, c'est la maire de Reims, Adeline Hazan, qui prend la parole, imitée immédiatement après par Jean-Paul Bachy, président de la région Champagne-Ardenne. La première livre un superbe discours sur l'égalité homme-femme de 20 minutes. Le second est absolument quelconque à peine 5 minutes. Comme les choses sont parfois bien faites.

Aurélie Filippetti revient pour présenter un clip sur les luttes menées par la gauche, du Front populaire à aujourd'hui. Elle passe ensuite le micro à Martine Aubry, laquelle enflamme la tribune et la foule pendant une petite demi-heure. Multipliant les attaques en direction de la majorité sortante, elle assure parfaitement la synthèse entre les discours de bienvenue et la contextualisation d'une soirée sous le signe du féminisme. La camarade première secrétaire se charge également d'aborder des sujets d'actualité brûlante et, ainsi, de remettre tout le monde dans l'esprit d'une campagne. A noter qu'Aubry a fait applaudir Simone Veil (la grandeur n'a pas de camp) et Ségolène Royal (elle a dû perdre un pari). Un constat s'impose : la dame-des-35-heures est excellente à la tribune.

 

Flot de promesses

 

Mais voilà que les militants du MJS se remettent en rang d'oignon devant la tribune des VIP. L'entrée du taulier ne saurait tarder. Un frémissement dans la foule, des lumières qui baissent légèrement et un autre clip. 100% François Hollande, celui-ci refroidit légèrement la foule pour mieux la faire exploser sur sa phrase de conclusion "le changement, c'est maintenant". Sous les vivas d'un public en délire, voilà le candidat qui entre. Les télés le suivent, la sécurité assure, Hollande serre les louches et salue les gradins. Une remarque cependant : qui est l'escroc qui a osé composer sa musique d'entrée ? Il faut remonter à Jean-Pierre François ou Sabine Paturel pour trouver plus inaudible. Pour les coeurs solides, ça donne ça.

Le meeting devait commencer à 18 heures 30. Aurélie Filippetti n'est apparue qu'à 19 heures 30. François Hollande fait son entrée à 20 heures 20. Il y a mis le temps, le changement. Heureusement que les premières parties étaient bonnes. En mode rock-star, le favori des sondages monte sur la tribune, salue brièvement une foule brûlante et commence son allocution : "nous revoilà à Reims, mais cette fois, ce n'est pas pour un congrès". Rires gênés, applaudissements timides. La blague a fait un plat. Il faut dire qu'il y a des pilules qui sont dures à avaler et les soupçons autour de l'élection de Martine Aubry passent toujours aussi mal. Qu'importe, le candidat enchaîne. Et ironise sur la "ville des sacres". Ca passe mieux. En cette journée des droits des femmes, il a donc choisi une des trois villes de plus de 100 000 habitants dirigée par une femme socialiste (les deux autres étant Montpellier et Lille).

La soirée promettait d'être thématique alors Hollande s'y tient. Plutôt à l'aise, il récite ses classiques et rappelle combien l'égalité est une valeur phare de la gauche. Il cite Olympe de Gouges, Louise Michel, Léon Blum et ses trois ministres femmes. Pas sectaire, il invoque également Charles De Gaulle et Simone Veil. Mais la caresse précède la gifle et le couperet tombe : le bilan de la droite passe à la casserole : crédits coupés aux associations féministes ou d'aide aux femmes en difficulté, même traitement pour le Planning familial, aucun effort sur les différences de rémunération... Face à ce constat, le socialiste égrène ses propositions des derniers jours : ministère des Droits des Femmes, gouvernement et hautes institutions paritaires et délai d'un an pour que les grandes entreprises rémunèrent égalitairement leurs employés. Mais c'est une journée symbolique et Hollande est venu avec une proposition de plus dans sa hotte : la contraception anonyme et gratuite pour les mineurs, et une gratuité étendue sous conditions de revenus pour les 18-25 ans. La foule est en délire. D'autant que le tribun rappelle que Nicolas Sarkozy s'est opposé à la gratuité et l'anonymat pour les mineurs. "Mais c'est la loi depuis 2001 ! Il ne connaît même pas la loi", clame son adversaire. Les spectateurs rient et applaudissent. Précision utile : jamais, durant l'ensemble de son discours, le socialiste n'aura prononcé le nom du Président sortant. Une bravade de plus. Une marque de la piètre estime dans laquelle il le tient.

Les propositions pleuvent, et Hollande en rajoute : plus de places en crèche, plus de places en maternelle, congés de paternité allongé, équilibrage du congés parental, création d'un centre IVG gratuit dans chaque hôpital, lutte plus efficace contre la violence faite aux femmes. C'est du délire, des tympans sont crevés, les drapeaux sont agités, des "François Président" jaillissent des gradins. Clairement, le candidat est en terrain conquis. Dès lors, il quitte le terrain de l'égalité entre les sexes pour revenir sur des thèmes plus classiques. D'abord l'immigration, où il se démarque nettement de son adversaire de droite. Il invoque la solidarité, dénonce le niveau du débat en mentionnant rapidement l'affaire à deux balles du halal. Il accuse Nicolas Sarkozy de ne découvrir que maintenant que les grandes entreprises ne payent pas d'impôts sur les sociétés.

La suite du discours est plus classique. Le logement, l'emploi, la jeunesse, l'école : le discours a commencé sur la thématique du jour mais pas de doute, c'est bien un meeting de campagne dans sa globalité qui a lieu. A vivre tout ceci de l'intérieur, à voir la facilité du rhéteur sur scène, à vibrer de la clameur de la foule, on jurerait que François Hollande n'est pas si loin que ça d'enchanter la campagne. En tous les cas, il essaye, c'est manifeste. Alors oui, le nombre de promesses est impressionnant et on a peine à croire qu'elles seront toutes tenues. Mais le discours a quelque chose d'inéluctable, d'imparable, d'évident. Parce qu'il n'est pas constitué que de critiques, il est sérieux. Parce qu'il propose des solutions précises, il est crédible. L'habileté oratoire de l'homme vient de ce qu'en dépit du nombre extraordinaire de promesses faites durant 75 minutes de discours, on a envie d'y croire et on l'en croit capable.

"La Marseillaise" entonnée par le candidat entouré de jeunes femmes, la foule acclame son héros et repart les yeux remplis d'étoiles. François Hollande est ambitieux, c'est certain, et le flot de ses promesses, conjugué à sa volonté de changement, doit raisonner dans les coeurs socialistes comme le discours de Nicolas Sarkozy il y a cinq ans dans ceux de droite. Saura-t-il tenir ses promesses là où, de toute évidence, son adversaire n'a pas su le faire ? On doute que ce soit ce qu'il a à l'esprit lorsque, tout sourire, il prend un bain de foule avant de quitter la salle.

 

Bonus : les meilleures phrases de François Hollande lors du meeting de Reims

Au sujet des licenciements massifs : "Plan social, TVA sociale : quand il y a le mot "social" dans une mesure, il faut s'attendre au pire".

A propos des femmes victimes de violences conjugales : "Nous opposerons, à la loi de la force, la force de la loi".

Sur l'immigration : "Avec la circulaire de Claude Guéant sur les étudiants étrangers, jamais Marie Curie n'aurait pu nous apporter deux prix Nobel".

Sur les récents mea culpa de Nicolas Sarkozy : "Les Français ne veulent pas d'états d'âme, ils veulent des états de service".

Toujours sur Nicolas Sarkozy : "Voilà que le candidat sortant découvre que les grandes entreprises ne payent pas d'impôts sur les sociétés. Mais qu'a-t-il fait pendant cinq ans ? C'est long cinq ans !"

La meilleure pour la fin, sans doute une des meilleures sorties politiques de l'année, à propos du présumé complot ourdi contre lui par les dirigeants de droite des grands pays européens : "Ce serait bien la première fois que l'on verrait des conservateurs venir en aide à quelqu'un en difficulté". Savoureux...

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Commentaires
B
"d'accord avec Serge sur les commentaires de l'évènement , un peu déçue par le nombre de militants , manque d'organisation ? nous sommes en terre de droite.. j'apprécie le masculin de "contraception gratuite et anonyme pour les mineurs . La plupart du temps la contraception ne concerne que la gente féminine !! enfin quelqu'un qui écrit que la contraception concerne les deux partenaires. Il faudrait que l'offre des "techniques" se développe un peu plus pour ces messieurs ..
Petites phrases et grandes idées
  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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