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Petites phrases et grandes idées
9 mars 2012

Du rôle primordial des médias

20664073_jpeg_preview_large"Les sondages ne font pas l'élection", entend-on partout. C'est vrai. "Ce sont les meetings qui apportent les voix", assure Christophe Barbier. C'est faux : les spectateurs viennent, en général, déjà conquis. Nicolas Sarkozy, lui, est convaincu que c'est le nombre de téléspectateurs qui donne une tendance de l'intérêt pour un candidat. C'est ridicule. Mais alors, comment gagne-t-on une élection ? Quel est ce facteur X nécessaire à tout candidat ? La réponse est dans le titre.

On a souvent répété que les "Guignols de l'Info" ont fait l'élection de Chirac en 1995. Si ce ne peut être qu'en infime partie vrai, le fait de poser la question prête déjà beaucoup d'importance au rôle des médias. En 2002, tous sans exception, et TF1 en particulier, se sont prêtés au petit jeu de la campagne sécuritaire. Et plus l'audimat grimpait, plus le FN en faisait de même. Là encore, un procès en sorcellerie a été orchestré à l'endroit de la première chaîne. Et on ne peut pas vraiment dire que ç'eut été à tort. Et puis, il y a eu 2007. Etrange campagne, longue de cinq ans, durant laquelle quasiment aucun média n'a su cacher sa fascination pour Nicolas Sarkozy. Tant et si bien que l'élection est devenu un véritable référendum sur sa personne, Ségolène Royal voyant son nom remplacé par "non à Sarkozy" dans le subconscient des électeurs.

Autant d'exemples qui démontrent que les médias peuvent faire et défaire les candidatures. Non que cela soit intentionnel : en général, ils ne roulent que pour eux-mêmes. En 2002, le sécuritaire sensationnel rapportait des voix à l'extrême-droite mais surtout de l'audimat. Jusqu'au paroxysme "Papy Voise". En 2007 et même avant, Sarkozy a fait vendre du papier. Chaque une sur le candidat de l'Intérieur assurait un carton au niveau des ventes. Il serait donc injuste de prêter aux médias la volonté de voir tel ou tel candidat l'emporter. Si l'on excepte ceux qui le crient haut et fort, tels "l'Humanité", "Libération" ou "le Figaro".

 

Un référendum sur le halal ?

 

Seulement, s'ils donnent le ton de la campagne, les médias sont donc à blâmer pour la tournure que prend celle que nous vivons actuellement. Les petites phrases assassines font vendre, alors télés et journaux les relaient. On dénonce, dès lors, une campagne de caniveau, alors les médias le disent et le déplorent. Comme s'ils n'y étaient pour rien. Objectivité n'est pas neutralité, et lorsqu'une information n'a pas d'intérêt, le devoir d'expertise du journaliste doit s'imposer.

Nous vivons actuellement un exemple absolument ahurissant de dualité des médias. Ou comment imposer une tonalité à la campagne pour mieux la déplorer ensuite : l'affaire de la viande halal. Qu'avons-nous à la base ? Une sortie inintéressante, xénophobe et stupide de Marine Le Pen (pléonasme ?) sur le fait que l'ensemble de la viande francilienne serait abattue selon les rites halal. C'est idiot, mensonger et, dans un premier temps, cela a été relayé comme tel. Fin de l'histoire ? Que non. Car, quelques jours plus tard, ce sont Nicolas Sarkozy et Claude Guéant qui s'emparent du thème. Résultat d'une enquête d'opinion démontrant que cela intéressait les Français ? Que non, elles disent tout le contraire. Mais quand on peut attraper un facho ou deux au premier tour... Sarkozy, donc, juge l'affaire problématique. Guéant craint que nos enfants n'aient que du halal à la cantine. Et les médias, évidemment, n'osent pas traiter la chose avec le même mépris qu'ils l'avaient fait pour Marine Le Pen. Toujours la théorie de la diabolisation qui fait qu'une même idée est acceptable dans une bouche et pas dans une autre.

Bref, Claude Guéant dénonce la chose, Nicolas Sarkozy lui emboîte le pas et, immédiatement, l'affaire devient nationale et primordiale. La "polémique" fait vendre et on l'entend partout. Grâce à qui ? Les médias, qui ont jugé bon d'en faire leurs gros titres au lieu de prendre un peu de hauteur vis-à-vis d'un sujet d'une mesquinerie historique. Ainsi, chaque personnalité politique est interrogée et son opinion sur l' "affaire du halal" est demandée. L'occasion, d'ailleurs, de voir que Rachida Dati et Alain Juppé ne semblent pas très en phase avec le Président sur ce coup-là. Le Premier Ministre, lui, est monté au créneau pour dénoncer des "rites ancestraux". Superbe argument qui pourrait s'appliquer à Noël ou aux fêtes traditionnelles régionales. Mille fois bravo.

Et puis, touche finale : l'indignation de ces mêmes médias, par la voix de leurs éditorialistes. N'a-t-on pas entendu Jean-Michel Aphatie, Alain Duhamel, Franz-Olivier Giesbert et même Mouloud Achour crier sur tous les toits que la prépondérance de cette affaire était scandaleuse. Cette même affaire dont les médias qui les emploient font les gros titres constamment. C'est le serpent qui se mord la queue. On a même eu droit à la scène hallucinante d'un Robert Mesnard toujours aussi délectable reprocher à Robert Prasquier, président du CRIF, de pratiquer des méthodes d'abattage cruelles. "Quiconque se prétend un temps soit peu ami des animaux ne peut que s'indigner de telles pratiques", a-t-il dit. Voilà que ces salauds d'étrangers s'amusent à torturer les gentilles vaches avant de les bouffer. Non mais quels barbares !

Voilà où en est la campagne aujourd'hui. Au temps pour la proposition de François Hollande de créer un ministère des Droits des Femmes. Tant pis pour le dépôt par Nathalie Arthaud de ses 500 signatures devant le Conseil constitutionnel. Au diable le meeting délirant de Jean-Luc Mélenchon à Rouen où il a, une fois de plus, cartonné le Front national à la kalachnikov. Et qu'importe Nicolas Dupont-Aignan qui a jugé la campagne actuelle de la manière la plus rationnelle et objective qui soit : "Aujourd'hui, le sujet principal de discussion concerne la manière dont nous devons abattre les animaux que nous mangeons. Mais enfin, on nage en plein délire !" Très bonne analyse, qui aurait mérité d'être relayée dans les médias. Mais l'affaire du halal a déjà pris toute la place. Qu'on en fasse un référendum et qu'on n'en parle plus !

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  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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