De cette petite lumière au fond du tunnel

Posons la question d'emblée : et si la campagne présidentielle 2012, comme son résultat, constituaient un tournant dans la lutte pour le droit des femmes ? Bien sûr, présenté comme ça, le programme est alléchant. Mais ces derniers jours, plusieurs prises de position et autres informations ont laissé entrevoir les prémices d'un thème de première envergure.

Il y a d'abord eu cette rencontre de François Hollande avec diverses associations de défense du droit des femmes. L'initiative est déjà bonne, en elle-même, bien qu'attendue de la part d'un candidat de gauche. Mais ce sont les propositions qui en sont ressorties qui ont le plus frappé, de manière positive pour une fois. Ainsi, le socialiste entend mettre en place, s'il est élu, une "véritable parité" au sein du gouvernement. On ne sait trop comme comprendre ce "véritable" mais le candidat a pris soin de préciser que "tous ne pourront avoir les mêmes responsabilités". Manière de désamorcer d'emblée les polémiques et râleries qui viendront quand cette parité ne sera pas respectée au sein des ministères importants. Deuxième proposition d'Hollande : réinstaurer un ministère du Droit des Femmes. L'idée avait déjà été matérialisée par François Mitterrand en 1981, mais n'avait pas duré. Pourquoi pas ? Mais à condition que ce ne soit pas une coquille creuse. Ancienne présidente du réseau "Osez le féminisme", Caroline de Haas est membre de l'équipe de campagne de François Hollande. Voilà qui constituerait une bonne candidature à un poste technique dans ce nouveau ministère. Le candidat socialiste a également plaidé pour une facilitation de l'accès des femmes à l'IVG mais c'est sur l'égalité salariale qu'il a été le plus ferme : "Il n'y a pas besoin de lois supplémentaires. Tout existe sur le plan législatif et réglementaire, il faut une volonté. (...) Je laisserai un an aux grandes entreprises pour se mettre en conformité avec la loi. S'il n'y a pas cette égalité, les exonérations de cotisations sociales seront suspendues pour les entreprises qui ne respectent pas ce principe".

Sur ce point, François Hollande abat un mur. Jusqu'ici, aucun candidat ne s'était véritablement exprimé sur ce sujet pourtant fondamental. Jean-Luc Mélenchon avait laissé entrevoir une sensibilité forte au sujet, mais pour l'instant, peu de mesures concrètes sont ressorties. Le socialiste est le premier à être aussi précis et ses propos ont d'autant plus d'importance qu'étant favori, il est pris au mot. Et que les critiques vont pleuvoir dru s'il manque à sa parole.

IVG, mini-miss et mademoiselle

Et puis, toujours cette semaine, il y a eu ce fameux rapport sur "l'hypersexualisation des jeunes filles", rédigé par Chantal Jouanno. Les féministes, si elles peinent à se mettre d'accord sur les moyens d'arriver à leurs fins, tombent au moins d'accord sur un point : il y a un problème de perception de la femme par l'homme et ce, dès le plus jeune âge. Les études sociologiques démontrant la prédisposition des enfants à l'intolérance sont légions et certaines démontrent que le mythe de la femme à la cuisine et de l'homme au boulot apparaît très tôt. D'où l'importance de ce rapport qui s'attaque à la racine au mal de l'utilisation à toutes les sauces du corps féminin. Ainsi, d'après le rapport, si le phénomène est "encore marginal", l'"hypersexualisation des enfants, et notamment des fillettes, renvoie "à la sexualisation de leurs expressions, postures ou codes vestimentaires, jugés trop précoces". Autre phrase forte de Chantal Jouanno : "La société dans son ensemble est hypersexualisée, dès le plus jeune âge on voit apparaître des stéréotypes très clivés garçons-filles, et il y a une puissance du marketing colossale pour rompre la barrière des âges et inciter à adopter des comportements d'adolescents". La sénatrice, chargée par Roselyne Bachelot de réfléchir à des propositions, s'est d'ores et déjà positionnée pour une suppression, qu'elle jugerait "symbolique" des concours de mini-miss.

Naturellement, lorsqu'un sujet aussi vaste que le droit des femmes arrive sur la table, les thèmes mis en lumière sont divers. Et les sensibilités sont différentes. Invitée du naufrage de l'émission de TF1 "Paroles de candidats", Marine Le Pen a été plutôt claire en la matière. S'exprimant sur les économies budgétaires qu'elle serait amenée à faire en cas d'élection, la candidate du FN n'y est pas allée par quatre chemins : "Si j'ai un choix budgétaire à faire entre ne pas rembourser l'IVG qui est un acte qui peut être évité, étant entendu quand même qu'il existe de nombreux moyens de contraception dans notre pays, et être obligé de dérembourser des actes qui ne peuvent pas être évités et qui permettent à des Français qui souffrent de se soigner..." La phrase est laissée en suspend. "Si j'ai ce choix à faire, j'assumerai le choix de rembourser plutôt les radiographies abdominales pour les personnes âgées, les médicaments pour les personnes agées...", a-t-elle ajouté. Certes, la vision est nappée d'une démagogie sans pareil, mais le sujet est abordé et appelle donc plusieurs réactions. Qui n'ont pas tardé, d'ailleurs, puisque Jean-Luc Mélenchon a eu l'occasion de dire, en deuxième partie d'émission, tout le bien qu'il pensait de cette prise de position.

C'est donc un évènement, mesdames, messieurs, la situation des femmes est sur la table et, par touches plus ou moins prononcées, elle est abordée par les candidats. Avec la suppression du "mademoiselle" des formulaires administratifs, la majorité actuelle avait montré des signes de considération et d'amélioration sur le sujet. Désormais, chacun a eu l'occasion de démontrer quelle était sa sensibilité. Reste à espérer que ce thème de campagne ne se fâne pas et demeure une priorité du discours politique.

NB : Le fait que cet article paraisse le jour de cette vaste fumisterie qu'est la journée de la femme est un pur hasard. Croyez-le ou non.