De la vraie fausse découverte de Christian Vanneste

Ecartons-nous de la campagne un instant (après tout, il ne s'y est rien passé de notoire ces dernières 24 heures) pour évoquer le cas de Christian Vanneste. Les plus assidus auront eu vent de la "polémique" l'entourant, née ce mercredi alors que la journée était censée être sainte côté UMP. Pour rappel, Vanneste a affirmé, sur l'extraordinairement populaire site libertepolitique.com : "en Allemagne, il y a eu une répression des homosexuels et la déportation qui a conduit à peu près à 30000 déportés. Et il n'y en a pas eu ailleurs". Et il a enfoncé le clou : "il n'y a pas eu de déportation homosexuelle en France".

Alors oui, effectivement, c'est une énormité. Cette forme de négationniste le rend passible de 45 000 euros d'amende et d'un an de prison, si tant est que la justice ait envie de le poursuivre. Mais c'est surtout politiquement que ce professeur de philosophie (?!) risque gros. Condamné par l'ensemble des cadors de la droite à peine quelques heures après ses propos, il s'est vu retirer son investiture dans le Nord pour les prochaines législatives. Geste fort, puisqu'il est élu du coin depuis 1993 (avec un break entre 2002 et 2007). Mais l'UMP fait mieux : elle promet d'exclure Vanneste. Bigre ! Rien que ça ? Les prises de positions de Brice Hortefeux et Claude Guéant reçoivent un soutien unanime et celle de Christian Vanneste suscite l'émoi. L'UMP a l'indignation sélective. Mais ne mélangeons pas les torchons et les torchons, revenons à Vanneste.

Les propos homophobes sont comme une petite tradition chez lui. Sans exagérer, il a même fait beaucoup plus fort que cette semaine. Petit florilège :

• "L'homosexualité est un comportement culturel, acquis, de l'ordre du réflexe, mais comme tous les comportements réflexes plutôt négatifs, on peut parfaitement l'inhiber ou le rééduquer". (TF1, 2004)
• "L’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité". (La Voix du Nord, 2004)
• "Le mariage homosexuel est une aberration anthropologique". (Couloirs de l'Assemblée, 2011)

Sa prose lui vaut d'être le premier homme politique de l'Histoire française à être condamné pour homophobie. Par le Tribunal correctionnel de Lille, en 2007. Bien que confirmée en appel, la condamnation sera annulée par la Cour de cassation. Jean-Vincent Placé, sénateur écolo, sera, lui, bien reconnu coupable d'injures publiques pour avoir dit de Vanneste : "Ce type est infâme, voilà la réalité, il est connu pour ses propos homophobes, racistes, voire antisémites".

Bref, on l'aura compris, Christian Vanneste boufferait de l'homo à tous les repas s'il le pouvait. Seulement, voilà au moins 10 ans qu'il le fait. Et l'UMP n'a jugé bon ni de s'indigner, ni de l'exclure, ni de lui retirer (vraiment) toute investiture après ses précédents propos, pourtant d'une violence ahurissante.

Médias amnésiques

Il n'y a pas si longtemps, "Petites phrases et grandes idées" disait qu'il fallait que l'UMP purge ses rangs de tous les extrémistes qui la composent. Cela vaut naturellement pour Vanneste. En 2004, il signe une proposition de loi visant à instaurer la peine de mort contre les terroristes. Toujours en 2004, le "rôle positif de la colonisation" française, vous vous souvenez ? Vanneste ! En 2010, il qualifie le FN de "parti comme les autres" et juge qu'un rapprochement entre l'UMP et lui serait "possible".

Bien sûr, en consacrant ici un article entier à Christian Vanneste, ce blog participe pleinement à la notoriété nouvelle du sinistre député du Nord. Mais l'UMP semble découvrir aujourd'hui qu'elle dispose en ses rangs d'un dangereux raciste, homophobe et extrémiste. Scoop : il y en a d'autres, même parmi ceux qui demandent le renvoi de Vanneste. Car sa faute, sa grande faute, ce n'est pas d'avoir tenu ces propos. A n'importe quel autre moment, cela serait passé comme une polémique de plus. Mais pas là. Pas le jour de l'Annonce de Nicolas Sarkozy. Il fallait que la déclaration se passe dans un contexte d'au moins 24 heures sans conneries. Mais c'était trop demander. A la longue liste de ses défauts, Vanneste peut donc rajouter son manque de sens politique.

Et puis il y a les médias. Rongeant leurs freins depuis deux jours, comme si la Terre s'arrêtait de tourner en attendant la candidature de Sarkozy, ils cherchent le moindre petit truc un peu vendeur et pas trop dur à couvrir. Allez tiens, Vanneste tient des propos homophobes et négationnistes. On le lynche et on fait des sujets de deux minutes sur sa phrase. Et puis, voyant que le type est une mine d'or, certains se mettent à couvrir sérieusement l'historique du député. Lemonde.fr analyse son blog et ses liens avec l'extrême-droite, rapporte qu'il devait participer cette semaine à un colloque avec des membres du FN et de Radio Courtoisie (notoire proche du Front). 20minutes.fr publie même une interview le faisant réagir sur sa probable future exclusion. C'est à dire des propos recueillis, mis en page et mis en ligne dans la journée. Seul Liberation.com a le bon goût de titrer "l'UMP va (enfin) exclure Vanneste". Comme quoi tous les médias ne sont pas amnésiques.

Alors voilà, tout le monde se lâche sur Vanneste comme s'il était le seul à penser ce qu'il pense ou même le seul à le dire. Rama Yade a même trouvé en lui une branche à laquelle se rattraper, déclarant que c'était sa "proximité" avec lui qui l'avait poussée à quitter l'UMP. Sous-entendu, s'il s'en va, je peux revenir. L'intéressé, lui, ne retire pas un adjectif de sa déclaration, se déclare victime du "lobby gay" et demande à pouvoir se défendre face au Conseil politique de l'UMP avant de se faire exclure. "Petites phrases et grandes idées" garde un oeil sur la décision à venir du parti majoritaire. Et sur la trajectoire politique de Vanneste, qui finira bien par trouver un fauteuil quelque part où il se sentira plus à l'aise...