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Petites phrases et grandes idées
3 février 2012

De l'acharnement à l'endroit d'Eva Joly

eva-joly-juge-candidate-europeennes-europe-ecologie_464Ah non ! On a dit qu'on ne tapait pas sur les gens à lunettes ! Comment ça, Christine Boutin a des lunettes ? Nicolas Dupont-Aignan aussi ? Ah... Bon... Bref, tout ça pour dire que le traitement médiatico-politique réservé à Eva Joly depuis son investiture comme candidate d'Europe Ecologie les Verts est tout simplement indigne. Rappelons, pour être bien précis, que nous parlons d'une femme qui a été désignée par les militants de son parti et qui dispose donc d'une légitimité que beaucoup de ses rivaux n'ont pas. Précisons également qu'elle a derrière elle une carrière de juge tout à fait remarquable, comme peut en attester une biographie non autorisée de la dame qui sort ces jours-ci. L'affaire Elf, c'est elle. Une enquête sur une incroyable magouille qui remontait jusqu'aux sommets de l'Etat qu'elle a menée à bout. Tout cela pour dire que, quelle que soit la manière dont elle mène sa campagne, Eva Joly est une grande dame.

Ce qui ne fait pas d'elle, évidemment, une fine politique. Et elle n'est pas exempte de tout reproche et certaines des critiques qu'elles reçoit sont justifiées. Mais ses difficultés à faire décoller sa campagne mènent les médias à inlassablement, toutes les trois semaines, se demander si elle ne devrait pas renoncer. C'est horripilant, d'autant que personne ne demande à Marine Le Pen de renoncer puisqu'apparement, moins de 500 élus souhaitent la voir se présenter. On lui reproche son accent, sa rigidité, son décalage, on scrute ses moindre faits et gestes, on la juge hors du temps, on note ses coiffures, on relève que tel jour, elle ne portait pas ses fameuses lunettes... Invité sur le plateau du "Grand Journal" mercredi soir, Julien Bayou, un de ses proches, assurait qu'aucun autre candidat n'avait subit autant d'attaques et de critiques. C'est indéniablement vrai.

En réalité, tout cela naît d'un malentendu. Si Eva Joly essuie autant de jets de flamme, c'est parce que sa campagne ne marche pas. C'est en partie exact. A 3% maximum d'intentions de vote, on ne peut pas dire que la révolution verte soit en marche. Mais les observateurs politiques mettent en parallèle, avec une mauvaise foi purement révoltante, les élections européennes et les sondages de Joly. Or, chacun sait que deux scrutins sont incomparables. François Bayrou a fait plus de 18% aux présidentielles de 2007. Au législatives, deux mois plus tard, le Modem dépassait mollement les 7% et obtenait trois pauvres députés. En 2004, les Verts faisaient 7,5% aux européennes. Trois ans plus tard, Dominique Voynet rassemblait 1,57% des suffrages aux présidentielles. On continue ? Tout cela pour bien montrer que l'élection présidentielle est à part et que, de surcroît, les Verts ont toujours bien réussi à l'échelle continentale. Dès lors, entendre des suiveurs de la politique comme Jean-Michel Aphatie arguer qu'Eva Joly rate sa campagne car elle est loin des 16% des européennes de 2009, cela laisse rêveur quant à la faculté de l'intéressé à mélanger les torchons et les serviettes.

 

Pas de suspense

 

Toujours au "Grand Journal", le pourtant excellent Bruno Donnet pointait le fait qu'Eva Joly avait eu besoin, cette semaine, de faire appel à José Bové et Daniel Cohn-Bendit pour prendre la pose et, ainsi, espérer relancer sa dynamique. Mais François Hollande multiplie bien les clichés avec Martine Aubry, Ségolène Royal et Lionel Jospin ? Jean-Luc Mélenchon a bien deux ou trois photos avec Marie-George Buffet ? Marine Le Pen ne passe pas 15 jours sans faire un câlin à papa devant les objectifs ? Est-ce que, pour autant, on leur reproche d'avoir besoin de ces soutiens pour mener leurs campagnes respectives ? Eva Joly est la candidate d'un parti très complexe et composé de multiples dynamiques. José Bové représente le monde rural et Cohn-Bendit la politique européenne du parti. Mais la candidate verte semble, de toutes façons, vouée à voir chacun de ses faits et gestes décortiqués et vus comme autant de tentative de relancer une campagne qui, oui, bat de l'aile.

Le souci n'est pas tant de pointer la faiblesse de la candidature d'Eva Joly. Il s'agit plutôt de regretter que chaque fois qu'elle apparaît dans la discussion, c'est pour se demander si elle ira au bout. Espérons qu'en interne, elle dispose de plus de soutien car, quoi qu'il arrive, elle aura bien du mal à faire pire que Voynet il y a 5 ans. Bien sûr, elle est rigide, elle ne correspond pas aux codes de la politique moderne avec ses strass et paillettes. Tout juste dispose-t-elle de lunettes rouges comme signe de ralliement. Mais ses capacités d'oratrice sont proches de zéro, indépendamment de son accent, et face à une situation grave comme celle que connaît la France, elle refuse de vendre du rêve à bon prix. Ses constats négatifs ne sont pas sexys et, pour ne rien arranger, hors de question de lui tirer la moindre information sur sa vie personnelle. Et puis, pour parler un peu du fond, ses propositions ne sont pas spécialement issues de la démagogie pure. Demander un jour férié pour les juifs et les musulmans, voilà qui ne va pas dans le sens du vent. Réclamer la suppression du défilé du 14-Juillet, c'est du suicide politique. Ses 3% sont là pour ça aussi. Elle est basse dans les sondages, certes. Ce n'est pas la seule. Inutile de tirer sur l'ambulance et, pourtant, on dirait que le marronnier "Joly va-t-elle abandonner ?" amuse toujours autant.

Alors autant mettre fin au suspense tout de suite : Eva Joly sera candidate. Une femme qui a mis en examen le président du Conseil constitutionnel (Roland Dumas) ne saurait reculer devant une mode qui consiste à la débiner constamment. Mais on est en droit de s'interroger sur les raisons de cette cabale. A 3%, on ne dérange pas grand monde pourtant ? Serait-ce les regrets de ne pas voir Nicolas Hulot candidat ? Allez savoir. Reste qu'aujourd'hui, en plus de ses propres faiblesses, Joly doit composer avec une faible présence dans les médias et un traitement largement négatif. Alors, là non plus, pas de suspense : il y a peu de chances de la voir passer les 3% à l'arrivée. Et elle ne sera pas seule à blâmer.

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  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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