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Petites phrases et grandes idées
25 janvier 2012

De l'analyse d'une riposte

Sans titreL'UMP ne pouvait décemment pas laisser François Hollande capitaliser sur son triomphe dominical. C'est bien normal. D'autant que les divers arguments invoqués pour critiquer la prestation du candidat socialiste n'ont pas vraiment porté. Comme l'a dit quelqu'un, quand on en est à critiquer l'évasion fiscale de Yannick Noah, c'est qu'il n'y avait pas grand chose à  jeter. Le parti majoritaire a donc choisi de comparer Hollande à un "candidat des années 80" (comprenne qui pourra). Pas terrible. Il a également reproché à son adversaire d'être "flou" dans ses propositions, tout en reprochant à celles-ci de coûter trop cher. Faudrait savoir. Bref, la critique est, en théorie, facile et la droite l'a bien compris. Le champion du PS s'envole dans les sondages, se présidentialise, et les cadors de la majorité ne savent sur quel pied danser. Le mythe né du meeting de dimanche est extrêmement difficile à défaire et on sent bien l'hésitation. Chaque représentant de la droite appelé à réagir à la prestation du socialiste a tiré son propre argument de sa manche. Il n'est donc pas exagéré d'imaginer que les communicants de l'Elysée n'ont pas trouvé d'éléments de langage satisfaisants. Les semaines se suivent mais ne se ressemblent pas. Il n'y a pas si longtemps, c'est l'équipe Hollande qui n'arrivait pas à accorder ses violons. Aujourd'hui, chaque molosse de la majorité aboie dans son coin.

Mais n'enterrons pas trop vite les capacités de réactions de cette incroyable machine de guerre qu'est l'UMP. Ainsi, face à leur incapacité à riposter correctement à la prestation de François Hollande, le parti de droite a choisi la contre-attaque. Le terrain médiatique est occupé depuis trois jours par le candidat d'en face ?  Qu'à cela ne tienne : il faut trouver de quoi faire parler de nous ! Et voilà la majorité qui dégaine l'arme fatale : le tract. Recto-verso, vantant le bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il s'articule autour de deux idées majeures : des chiffres et les 10 réformes majeures de la mandatures.

 

Concours d'escroqueries

 

Les dix réformes peuvent être divisées en trois parties. La première est constituée de ce qui est incontestable. Tout catastrophique qu'il a été, le mandat de Nicolas Sarkozy n'a pas été à 100% raté. Non, non. Par exemple, l'UMP cite, dans ces fameuses dix "grandes réformes", "Suppression des droits de succession pour 95% des Français afin de favoriser la transmission de son patrimoine à ses enfants". Bien sûr, le petit commentaire accompagnant ladite réforme est largement dispensable, mais le fait est que Nicolas Sarkozy a bel et bien réformé les droits de succession dans un sens un poil plus juste. Après, libre à chacun de discuter la vision de la France de l'actuel Président, mais le fait est là.

La deuxième catégorie est celle des "grandes réformes" qui n'en sont pas. Simplement des belles idées soit-disant appliquées mais auxquelles aucun texte n'est associé. Exemple : "Plans « cancer » et « Alzheimer » pour continuer à améliorer notre système de santé". Voilà. Quel "plan cancer" ? On n'en sait rien, mais le Président a beaucoup pensé aux cancéreux. Peut-être même prié pour eux.

Mais celle qui nous intéresse le plus, c'est la troisième catégorie. Celle composée de beaux paragraphes ne parlant pas de réformes mais étalant simplement de la pure démagogie. Le plus bel exemple est le suivant : "Reconduite à la frontière de 30.000 immigrés clandestins par an pour maîtriser l’immigration". Magnifique ! Déjà ce chiffrage arrondi qui déshumanise au possible les expulsés. Puis ce contre-sens absolu qui consiste à dire que la "reconduite à la frontière" de clandestins servirait à maîtriser l'immigration. Mais si elle était maîtrisée, l'immigration, il n'y aurait pas besoin de reconduire qui que ce soit à la frontière ! Mais l'important est que le chaland soit convaincu que les méchants étrangers ne viendront pas voler leur pain. Autre exemple amusant : "Service minimum dans les transports et à l’Éducation nationale pour améliorer la qualité des services publics". Ah oui ! Grande réussite ! Non seulement fonctionnaires comme usagers ne sont pas satisfaits par la mise en place de ce fameux et fumeux service minimum, mais prétendre qu'il a été instauré pour "améliorer la qualité des services publics" est une gifle, une insulte, un foutage de gueule extraordinaire. Il a pour but de supprimer tout impact d'une grève et, par là même, éviter que les revendications ne soient entendues. Prétendre améliorer le service public sous la présidence Sarkozy est déjà une sacrée bonne blague, mais invoquer le service minimum pour appuyer l'idée, c'est carrément grossier. Bien sûr, ce tract ne s'adresse pas aux personnes les plus intelligentes du monde, mais prendre l'électeur pour un con n'est jamais très glorieux. Même si ça marche souvent.

Pour finir, le tract en or massif abreuve le lecteur de chiffres, dont certains sont même déjà cités au sein des "dix grandes réformes". "35 milliards d'investissements d'avenir", cela ne veut rien dire du tout. "150.000 personnes sorties de la pauvreté grâce RSA", c'est purement mensonger dans la mesure où le RSA remplace le RMI et ne sort pas plus de monde de la pauvreté. Ajoutons qu'il s'agit là d'une invention de Martin Hirsch, lequel a très largement pris ses distances avec la majorité depuis son départ du gouvernement. "- 17,5% de délinquance générale depuis 2002", chacun sait que c'est faux et la bouffonerie pousse même les auteurs à remonter jusque 2002. Comme ils osent invoquer des économies faites sur les dépenses publiques aux horizons 2013 voire 2018. Et tant pis si ça n'engage que le futur Président.

On pourrait continuer toute la journée à décortiquer cette immense blague. Mais l'essentiel était bien que l'on parle de ce tract et tout le monde sait bien qu'aucun média ne prendra la peine d'analyser en détail son contenu. L'UMP tente donc de reprendre la main sur le terrain médiatique mais "Petites phrases et grandes idées" se permet un petit conseil aux conseillers du futur candidat Sarkozy : vanter un bilan pareil, c'est du suicide. Si les dix plus grandes réformes du quinquennat qui s'achève sont celles mentionnées sur le fameux tract, la place dans l'Histoire du Président Sarkozy est assurée. Tout en bas de la liste des plus grands chefs d'Etats de la Ve République.

 

Pour ceux qui ont le courage, le tract est disponible ici.

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Commentaires
B
Au lieu de se féliciter d'instaurer le service minimum une fois la grève en place, ils ne se sont jamais demandé comment éviter les grèves... Je suis aussi inquiète car je n'ai pas vu les chiffres de la baisse du chômage dans le paragraphe "emploi".
Petites phrases et grandes idées
  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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