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Petites phrases et grandes idées
24 janvier 2012

D'un parti dépoussiéré et d'un candidat affûté

hollande-bourget2_jpg_crop_displayEn politique, trouver un évènement qui fait l'unanimité est aussi difficile que nommer un parti politique qui n'a pas eu d'ennuis avec la justice. C'est pourquoi il convient de saluer comme il se doit l'exploit qu'a réalisé François Hollande avec son meeting du Bourget. Bien sûr, "le Figaro" calme le jeu et l'opposition marmonne quelques critiques, mais on sent bien que le coeur n'y est pas. Ils savent que le candidat socialiste a frappé un grand coup et sont d'autant plus frustrés que leur champion ne peut pas se permettre ce genre de grands discours. Et oui : un des inconvénients quand on n'est pas candidat...

En effet, François Hollande a passé un bon dimanche et on ne peut que tirer un grand coup de chapeau à son équipe (que ces lignes n'ont pourtant pas ménagée). Ainsi, la préparation et l'organisation du tout ont été mitonnées aux petits oignons. Carré VIP avec peoples ? Check. Premier rang hyper symbolique avec Martine Aubry, Ségolène Royal, Lionel Jospin et Jean-Pierre Bel ? Check. Concert en ouverture avec (excusez du peu) la personnalité préférée des Français ? Check. Salle hyper bondée de 10 000 supporters avec salle annexe munie d'écrans géants pour accueillir les 5 000 qui n'ont pas pu entrer ? Encore check. Tout était prêt, sur-mesure pour un candidat qui n'aspirait à rien d'autre qu'à poser la première pierre de son édifice présidentiel.

Dans l'émission "Dimanche +", diffusée le jour-même, le candidat avait affirmé ne pas vouloir faire de cette prise de parole un "catalogue de mesures", mais plutôt endosser les habits de l'homme en qui la France pourra placer ses espoirs. Une personnification de la candidature car, comme l'avait si habilement dit Laurent Fabius en son temps, "une idée ne se balade pas toute seule dans l'air, il faut quelqu'un pour la porter". Ainsi, Hollande voulait montrer l'homme derrière le programme, la personne derrière le logo du PS. S'il a, en partie, réussi cet objectif, il a également pris le temps d'annoncer un certain nombre de mesures. Si ce n'était pas un "catalogue de mesures", cela a eu le mérite d'en égrener un nombre important. Mariage homosexuel, nouvelle tranche d'impôts, doublement du plafond du livret A, réforme bancaire, baisse des émoluments ministériels et présidentiel... Sur tous les fronts, du fiscal au social, Hollande a montré qu'il avait la carrure et la vision. Son meeting inaugural a été un grand succès. Mais il y a plus que ça.

 

Révolution socialiste

 

Dimanche, François Hollande, qu'il en ait conscience ou non, a révolutionné en grande partie le PS. Il en a bousculé les codes, dépoussiéré les concepts, décomplexé certains aspects. Le culte du chef d'abord. Longtemps, le Parti socialiste a refusé cette idée, mettant systématiquement les idées en avant. Le leader du PS est un "premier secrétaire", pas un président. L'adage voulant que l'élection présidentielle soit la rencontre d'un Homme et d'une nation est en partie vrai. Cela pourrait expliquer l'échec de Lionel Jospin, totalement hermétique à l'idée de s'exposer personnellement. Cela pourrait également permettre de comprendre pourquoi Ségolène Royal a connu un tel succès malgré de telles faiblesses dans sa candidature. François Hollande, lui, n'y est pas allé par quatre chemins : "la responsabilité du succès m'incombe". Cette première personne du singulier qui hérissait le poil des socialistes semble finalement ne plus les rebuter. François Hollande ne se présente plus comme le candidat socialiste, mais comme leur chef. C'est nouveau et c'est, hélas, nécessaire pour espérer remporter la présidentielle.

Autre code brisé par le champion à la rose : la sécurité. Avec cette phrase ultra forte pour un candidat de gauche : "Aux délinquants financiers, aux fraudeurs, aux petits caïds, le prochain président vous prévient : la République vous rattrapera". Il est absolument incroyable d'entendre ça de la bouche d'un socialiste, qui plus est représentant du parti pour l'élection majeure. Il y a toute une frange de l'électorat traditionnel de gauche qui sera heurtée par cette formule. Mais pour une fois, ce n'est pas la droite qui a mis le thème de la sécurité sur la table et la voilà démunie sur ce thème puisqu'elle se sait attendue. L'aile gauche du parti a sans doute fait la moue face à ce coup de poing sur la table sécuritaire. Qu'à cela ne tienne, François Hollande leur a promis de s'attaquer à un ennemi principal : "le monde de la finance". Voilà qui rassurera la base.

Ne nous y trompons pas : le fait que François Hollande ait brisé quelques tabous de la gauche traditionnelle n'en fait pas moins de lui un candidat de gauche. Et il a tenu à le souligner par quelques phrases bien senties, notamment sur le culte voué à l'argent ou sur le fait que les personnes soient devenues accessoires. De par l'aspect même de son show à l'américaine, Hollande a rompu avec la sobriété classique du parti qu'il représente. En plaçant ensemble les célébrités venus le soutenir, il est rentré dans la "pipolisation" de la politique. En mettant, côte-à-côte et au premier rang, le dernier Premier Ministre socialiste, le premier Président socialiste du Sénat, l'ancienne candidate de 2007 et la première secrétaire, il a montré que tout le PS était derrière lui et qu'il disposait d'une base solide et unie. Ce que n'avait pas, pour de multiples raisons, Ségolène Royal en 2007.

La machine Hollande est en marche et, en un meeting de lancement, il a réussi à dépoussiérer le parti qu'il représente tout en ne déviant pas de son cap idéologique. L'immersion dans sa vie privée, la politique sécuritaire, les divisions internes, tous les vieux démons socialistes ne lui font pas peur. Plus que toutes les formules qu'il a utilisées en 80 minutes de discours, il a envoyé un message clair et net aux électeurs et à ses adversaires : "je suis prêt, et prêt à tout".

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  • Une petite lanterne, sans prétention, pour éclairer la politique et ceux qui la font. A mi-chemin entre le prestige de la fonction et le ridicule de certains débats, il y a tout un monde à passer au crible...
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