Des personnalités de l'année

C'est la fin de l'année et, comme on dit au Groland, c'est l'heure du bilan. Les médias affichent leurs sondages sur les évènements les plus marquants. "Petites phrases et grandes idées" aime l'idée d'évoquer 2011 dans sa globalité, mais n'a ni l'envie, ni les moyens de hiérarchiser l'importance de telle ou telle actualité. Ainsi, dans les prochains jours, par souci d'économie de temps, vous seront proposées, dans différentes catégories, une liste courte de ce qui a marqué l'année politique écoulée. Commençons donc par les personnalités de 2011.

Dominique Strauss-Kahn : Elu "personnalité de l'année" par les téléspectateurs de France 2, il est difficile de lui contester ce titre. Il a ouvert 2011 en position d'archi-favori pour les primaires socialistes et la présidentielle française, il la termine avec une cote de popularité en lambeaux, une vie politique quasiment terminée et plusieurs instructions mentionnant son nom. La déchéance du champion de la gauche est une des plus brutales que l'on ait vues ces dernières années.

Stéphane Hessel : Lui a été également élu "personnalité de l'année", mais par les internautes de lemonde.fr. Aux alentours de Noël dernier, cet ancien résistant a sorti un ouvrage qui constitue sans doute une des plus grandes escroqueries de la vie intellectuelle récente. Un fascicule intitulé "Indignez-vous !", composé de 34 pages dont 14 seulement de texte, appelant la population à s'indigner de quelque chose. Ou, plus précisément, de "choisir son indignation". Alors oui, l'idée est noble, mais non seulement les personnes douées de raison n'ont pas attendu la copie-double d'Hessel pour s'indigner, mais il faut malheureusement préciser que ce sentiment n'est pas sélectif. Merci monsieur Hessel, mais c'était trop ou pas assez.

Jacques Servier : N'oublions pas l'affaire du Mediator. Grande animation du début d'année, elle a révélé certaines pratiques de laboratoires pharmaceutiques absolument monstrueuses. On en était presque à se souvenir de ces films remplis de savants fous testant leurs créations sur les populations. Servier a été condamné, mais les révélations faites au fil de cette histoire montrent que le dossier pharmaceutique n'a peut-être pas fini de nous surprendre. N'oublions surtout pas que si le scandale du Mediator a pu éclater au grand jour, c'est dû au travail acharné d'une autre personnalité importante de l'année, Irène Frachon, pneumonologue, auteure notamment de deux ouvrages sur le sujet en 2010 et lauréate de nombreux prix la récompensant pour ce combat.

Michèle Alliot-Marie : Il y a un an, MAM était un roc de l'UMP, ministre de prestige et résistante du chiraquisme. Mais la révolution de jasmin est passée par là, son amitié avec Ben Ali mise sur le tapis et même ses parents ont été sous le feu de l'indignation populaire. Une démission plus tard, Alliot-Marie est cramée jusqu'à la moelle et plus personne n'entend parler d'elle. Comme une carrière politique peut s'écrouler rapidement...

Oussama Ben Laden : Difficile de croire que toutes les théories du complot avaient mal vu. Non, Ben Laden n'était pas caché dans un sous-sol de la Maison Blanche ou dans une résidence à Cuba. Il était bien planqué au Pakistan et les soldats US ont fini par le trouver et le tuer. Evidemment, il est très pratique pour les Etats-Unis que l'ennemi public numéro 1 n'ait pas été capturé vivant. Mais notre curiosité aurait aimé être satisfaite par les révélations que ce bon Oussama aurait pu faire. Mais il est fascinant de constater à quel point sa disparition a été oubliée par l'opinion publique à l'heure du bilan de l'année.

Christine Lagarde : La ministre de l'Economie hésitante issue d'un cabinet d'avocat américain a fait son chemin. Voyant sa popularité monter doucement mais sûrement au sein de l'échiquier politique français, elle a profité de la chute de DSK pour s'exiler à Washington, occuper un poste de premier ordre et devenir, d'assez loin, la personnalité de droite préférée des Français.

Bernard-Henri Lévy : L'ennui est que BHL est systématiquement la personnalité la plus importante du monde. Sans lui, point de salut. S'il s'est humblement tenu à l'écart des premières étapes du printemps arabe, il a su faire profiter les Lybiens de sa sagacité, de ses contacts et de son intelligence supérieure. Avec une modestie extraordinaire, Nanard a ensuite su faire profiter les êtres inférieurs que nous sommes de ses exploits dans un livre où il assure avoir dû, à contre-coeur c'est entendu, demander à ce qu'Alain Juppé soit écarté. Juppé, c'est juste le ministre des affaires étrangères, mais bon. Bref, BHL a encore ébloui la planète et le Times s'est rendu, cette année encore, coupable d'une profonde injustice en ne le nommant pas personnalité du millénaire.

Ben Ali, Kadhafi, Moubarak, Berlusconi, Kim Jong-Il, Gbagbo, Muscharraf : Ils étaient tous à la tête de leurs Etats respectifs depuis des années et des années. Leurs départs, s'ils n'ont pas la même origine, sont autant de tremblements de terre auprès des populations qu'ils administraient. Naturellement, ils resteront dans l'Histoire comme autant de tyrans, de guignols ou de dictateurs. Mais ils resteront dans l'Histoire.

Claude Guéant : On l'avait découvert aux côtés du ministre de l'Intérieur Sarkozy, ce timide préfet, homme de dossier, âme damnée du flamboyant candidat. Puis, toujours aussi effacé, il avait occupé les fonctions de secrétaire général de l'Elysée avec une telle influence qu'on le surnommait le "Premier Ministre bis". Et puis, à la faveur d'un remaniement ministériel, voilà ce haut-fonctionnaire jamais élu bombardé ministre de l'Intérieur. On se dit qu'il va se contenter de faire le job discrètement, en attendant la campagne de 2012 et s'effaçant au moment opportun devant son chef. Et là, l'impensable se produit ! En deux semaines à peine, il réussit à dépasser Brice Hortefeux sur sa droite. Multipliant les déclarations racistes, tapageuses, scandaleuses, démagogiques et nauséabondes. Ces dernières semaines, il s'est posé de manière totalement incontestable comme la personnalité politique audible la plus à droite du paysage politique français. Plus que l'idéologie affolante qu'il prône encore et encore à longueur d'interviewes, c'est l'aspect inattendu que revêt cette posture qui frappe. Passer d'homme de l'ombre effacé à cela, c'est une évolution extrêmement surprenante. Mais une fort mauvaise surprise...

Mentions spéciales : Kate Middleton, John Galliano, Bachar El-Assad, Aung San Suu Kyi, George Tron, les indignés, François Hollande, Eva Joly, Angela Merkel, George Papandréou, Nafissatou Diallo, Tristane Banon, Stéphane Tapponier et Hervé Guesquière, Eric Woerth, Isabelle Prévost-Després, Robert Bourgi, Ziad Takieddine, Jacques Chirac...