De l'optimisation d'un calendrier chanceux
Ah qu'ils étaient mignons les médias audiovisuels, au matin du 20 octobre, à ne mettre la naissance de l'Héritière qu'en 4e ou 5e titre, après la défaite de Marseille. L'air de dire qu'on s'en moque, que c'est du détail, du frivole, du dispensable... Comme on aurait aimé être une petite souris pour voir à combien montaient les paris sur le prénom dans les rédactions... Il n'y a pas plus commère qu'un journaliste, peu importe la vertue dont il se pare.
Ainsi, donc, la sarkozye a accueilli une bambine, premier enfant né à l'Elysée. Eclaircissons un point tout de suite : il n'est nullement question de discuter de la raison de cette grossesse. Le couple Sarkozy-Bruni a voulu un enfant et il l'a. Le reste oscille entre blagues potaches et graves accusations. Cependant, ne nous leurrons pas : l'arrivée de cet enfant comporte un axe politique de premier ordre. De son prénom, italien, à la façon dont il sera présenté à la presse, de la gestion du temps par le Président à l'exposition médiatique qu'il voudra bien consacrer à la chose, tout sera passé au crible, analysé, décrypté. Il est hors de question de considérer qu'un enfant a été conçu dans un but politique, mais le candidat Sarkozy devra surveiller chacun des gestes du Président-père Sarkozy. Car les critiques vont pleuvoir, c'est évident.
Cependant, pour l'instant, cette naissance intervient comme une bénédiction dans l'agenda politique. Après une très longue séquence dominée médiatiquement par le PS, l'UMP devait reprendre le dessus à la faveur de la fameuse et fumeuse convention vouée à dézinguer le projet socialiste. Hélas, cette belle réunion a été démolie pièce par pièce à longueur d'articles, quand elle n'a pas été tout simplement ignorée. Jean-François Copé, dont les intentions sont toujours à décoder, a très nettement bâclé son travail sur cet évènement précis. A sa décharge, et à celle de l'ensemble de l'UMP, le parti majoritaire n'a rien à vendre. Toute promesse se heurterait au reproche de ne pas avoir déjà été mise en place et personne n'a jamais gagné une campagne en vendant de la rigueur. La seule solution pour la droite est donc de cogner sur François Hollande. Mais cela a été fait trop fort, trop vite et trop maladroitement. La reprise de main médiatique s'annonçait donc difficile, mais voilà que deux messies viennent redonner un peu de baume au coeur de la droite : Giulia et Mouammar.
Sauveur de la Libye ? Vraiment ?
La quatrième paternité de Nicolas Sarkozy va lui redonner quelques points dans les sondages, c'est évident. Mais cela reste assez léger pour recréer un état de grâce. Heureusement, et par quelque chose qui ressemble à un tour de passe-passe miraculeux, la France et son chef parviennent à tirer profit de la mort de Mouammar Kadhafi. Le même Président qui l'accueillait dans les jardins de l'hôtel Marigny pour une visite d'Etat, qui lui vendait des technologies nucléaires et des armes, réussit à se faire le chantre de la libération du peuple libyen. Il faut le voir pour le croire, mais c'est bien la France qui tire la plus grande gloire de la révolution libyenne et de la mort de l'ancien dictateur. Et que l'on fasse donner Gérard Longuet, Alain Juppé, BHL, que l'on inonde les journaux de sujets sur le rôle extraordinairement extraordinaire de l'Hexagone dans ce conflit. Et par dessus tout, que l'on aperçoive clairement l'ombre sybilline de Nicolas Sarkozy, à nouveau hyperprésident à défaut d'être hypermédiatisé, trop occupé à sauver l'euro, la Grèce et à assister sa femme pour fanfaronner sur le sujet libyen. Mais surtout, surtout, qu'on le fasse à sa place. Une occasion pareille ne se manque pas.
Il ne faut jamais sous-estimer la fierté que peut ressentir un Français quand son pays joue un rôle au niveau international. Cela peut souvent apparaître injustement anecdotique à ses yeux (comme sur le front économique, par exemple), mais l'opposition de Jacques Chirac à la guerre en Irak a démontré, à elle seule, combien une posture internationale pouvait donner une stature à un Président. Et Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse, depuis le début de son mandant, d'occuper cette scène stratégique. Au final, si la naissance de sa fille permet de rééquilibrer un peu les comptes, c'est peut-être bien sur cette fameuse stature mondiale que le champion de la droite pourra espérer créer une véritable différence face à ses adversaires.